13 mai 2012

Avec Back Up, Paul Colize réussit un vrai roman noir rock

Malgré la nationalité de son auteur, ce roman n'est pas une histoire belge. C'est une histoire rock'n roll, une histoire qui éveillera chez tous les quinquas + des souvenirs émus, et qui racontera à tous les autres l'ambiance des 60s, des beatniks parisiens au swinging London. Le roman s'ouvre en 1967 avec la mort apparemment accidentelle de Larry Speed, leader du groupe de rock Pearl Harbor, venu passer quelques jours de vacances aux Baléares et qui les terminera bêtement au fond de la piscine de son hôtel... Nous faisons ensuite connaissance avec le héros du roman à l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles. L'homme,1,92 m pour 105 kg, apparemment SDF, vient de se faire renverser près de la gare du Midi. Pas de papiers, aucun moyen d'identification : le blessé est inconscient et visiblement pas près de reprendre connaissance. Et de fait, 10 jours plus tard, il n'a toujours pas été identifié. On le baptise X Midi.
Chapitre après chapitre, Paul Colize nous dévoile un pan de la vie de cet inconnu, né le 6 août 1945, le jour d'Hiroshima... Dès l'âge de 10 ans, le gamin se prend de passion pour le rock'n roll. Chuck Berry, Maybellene : voilà, pour lui, le rock commence là. Bientôt, il s'aperçoit qu'il a un don pour la batterie. Et il décide de devenir le plus grand batteur de rock de la planète... Pour l'instant, tout va bien. Sauf que les années 60, ça n'est pas seulement le rock'n roll. C'est aussi la drogue, la colle à maquettes qu'on respire en cachette, et puis le LSD. Notre héros n'y échappe pas, mais en revanche il décide d'échapper au service militaire. Le voilà déserteur... et obligé de fuir son pays et de changer d'identité. Nous le retrouverons à Paris, parmi les beatniks de l'époque et les étudiants petits-bourgeois qui s'encanaillent en discutant politique et en écoutant les Beatles. Notre ami se retrouve à jouer des percussions avec son pote Candy le chanteur. Paris,  c'est bien, mais on sent bien que c'est à Londres que ça se passe. Les événements vont précipiter le départ de notre ami : un soir de fête, il se retrouve mêlé à la mort sordide d'une jeune fille de la bourgeoisie parisienne, et obligé de fuir vers la capitale du Royaume-Uni... Entre chaque chapitre de la vie de X Midi, l'auteur nous distille une histoire parallèle, celle des membres du groupe Pearl Harbor qui trouvent la mort chacun leur tour sans que personne s'en inquiète vraiment, en-dehors d'un journaliste irlandais qui a du mal à trouver ça naturel. Et petit à petit, cette histoire-là se rapproche et s'imbrique dans l'autre histoire, celle de X Midi, jusqu'à n'en faire plus qu'une. Une histoire à faire peur, qu'on découvre, incrédule et effaré, une histoire de mort, de complot planétaire qu'on ne lâche qu'une fois la dernière page tournée.

On imagine que Paul Colize a dû se préparer un plan de travail aux petits oignons avant de démarrer la rédaction de Back up. Car la narration joue avec les flash-backs, les changements de perspective, le passé et le présent, jongle avec les personnages et les situations. Et tout cela sans que cela sente le procédé... un tour de force ! Mais ce qui reste une fois qu'on a lu ce livre et qu'on a fini de digérer l'histoire insensée qu'elle raconte, c'est l'ambiance musicale qu'a réussi à installer Paul Colize. Ce n'est pas simple d'écrire un livre "rock". La plupart du temps, la tentative est ratée parce que l'auteur se contente de plaquer un morceau de musique sur un chapitre. Là c'est le livre tout entier qui est imprégné de la musique des sixties, celle qui va donner naissance non seulement au rock des décennies suivantes, mais aussi à un esprit, à un mode de pensée et à un mode de vie qui marqueront toute la deuxième moitié du XXe siècle. Difficile de parler de nostalgie : Paul Colize ne nous fait pas le coup du "C'était bien mieux avant". A travers ses errances de Bruxelles à Paris, Londres, Berlin, Montreux, X Midi nous montre que les rockers ne sont pas des anges... Un reproche seulement, Monsieur Paul : l'élégance des Kinks résumée à des vestes rouges, en tant que fan du très grand Ray Davies, je trouve ça vraiment trop injuste !

Paul Colize, Back Up, La manufacture de livres

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles récents