12 mai 2012

Craig Russell, le retour de Lennox avec "Le baiser de Glasgow"

Calmann-Lévy et Robert Pépin nous avaient présenté en 2011 le détective Lennox dans le roman éponyme. Lennox, ex-soldat canadien émigré à Glasgow où il s'est lancé dans l'activité de détective privé, ou plutôt d'homme à tout faire, reprend du service avec Le baiser de Glasgow. Nous sommes dans les années 50, et Glasgow au sortir de la guerre est une ville appauvrie, dure, noire, où même le temps n'est pas clément. Pour parfaire la description, laissons la parole à Craig Russell avec la première phrase du roman : "Certains concepts sont étrangers à l'esprit du Glaswégien. La salade. La dentisterie. Le pardon."
Trois caïds de la pègre (les Trois Rois) se partagent le territoire, Willie Sneddon, Jonny "beau gosse" Cohen et Hammer Murphy. Tout ça nous rappelle un peu les pères fondateurs du mythe du détective privé, Hammett et Chandler. Sauf que là, on est à Glasgow, et ça change tout. Pas de Hollywood, pas de palmiers californiens, pas de Cadillac rutilantes. Et notre homme Lennox, Canadien d'origine, se débrouille comme il peut pour se fondre dans le paysage, même s'il lui arrive de piquer une petite crise de nostalgie. A tel point que sa petite amie du moment n'est autre que Lorna Mac Farlane, la fille de Petite Monnaie Mac Farlane, le bookmaker le plus puissant de Glasgow... Dès le premier chapitre, ce dernier passe l'arme à gauche au moment même où le couple s'en revient d'une petite balade en forme de partie de jambes en l'air. "Le père de Lorna était, apparemment, allongé sur le sol de son bureau et bousillait son tapis Wilton avec quelques pintes de sang O négatif." Pas de chance. Par un étrange hasard, le bookmaker a été assassiné après avoir rapporté à la maison les gains que lui avaient valu un combat de boxe. Lennox est aussitôt impliqué dans l'affaire et convoqué auprès de M. Sneddon par l'intermédiaire de son fidèle Twinkletoes McBride, spécialisé dans le tranchage des orteils au coupe-boulons. Il terminera donc la soirée devant un combat de lutteurs à poings nus, brutal, sauvage, sanglant... Comme la suite de l'histoire. Car bien sûr, Lennox va se lancer dans une enquête pour découvrir qui est responsable de la mort de MacFarlane, et se retrouvera plus ou moins malgré lui impliqué dans une histoire qui le dépasse largement, et confronté à un ennemi autrement plus redoutable que les caïds qu'il connaît déjà.

L'atout maître de Craig Russell, c'est sa capacité à faire revivre un monde révolu, à évoquer une atmosphère à la noirceur plus redoutable encore que la violence des événements. Nous connaissions grâce à Denise Mina et son héroïne Paddy Meehan le Glasgow des années 80, nous voilà maintenant plongés dans le Glasgow des années 50, que Russell nous dépeint d'une plume trempée dans l'acide, mais avec une fibre sociale clairement exprimée. Les clivages entre les classes traduits par la topographie de la ville et de ses quartiers, sont parfaitement décrits. Les manigances de la pègre locale semblent ne pas avoir de secret pour Craig Russell, qui, rappelons-le, a été policier dans une autre vie. Et la dualité entre le côté étranger de Lennox et son intégration dans le milieu glaswégien donne au roman une touche ambiguë qui ne manque pas de séduction. Lennox est un personnage vraiment réussi, le style de Russell est sobre mais ne manque ni de panache ni d'humour. Bref, on a bien envie de retrouver Lennox dans une troisième enquête.

Craig Russell - Le baiser de Glasgow - Calmann-Lévy, collection "Robert Pépin présente..." - traduit de l'anglais par Aurélie Tronchet

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