Certains avaient décelé dans Zulu un tournant vers un certain équilibre dramatique. Eh bien avec Mapuche Caryl Férey poursuit son chemin vers plus de profondeur, plus d'engagement, plus d'humanisme. Pas d'inquiétude, ce n'est pas qu'il se soit assagi. Plus que jamais, il sait nous attraper par le bras, nous tirer derrière lui sans nous laisser le temps de souffler ou de regarder derrière. Soyez prévenu : si vous dépassez la dixième page, vous êtes fichu, vous ne lâcherez plus le livre.
Les Mapuches, littéralement "peuple de la terre", sont les communautés aborigènes de la zone centre-sud du Chili et de l'Argentine... On estime leur nombre à environ 200 000 en Argentine... Ce peuple a une longue culture de la résistance : il fut le seul à résister victorieusement aux colons espagnols. A la fin du XIXe siècle, des dizaines de milliers de Mapuches chiliens furent massacrés et confinés à un territoire très réduit. En Argentine, les Mapuches mènent depuis le début des années 2000 une lutte très dure contre Benetton, propriétaire d'environ 900 000 hectares en Argentine...
Ruben Calderon est un rescapé des prisons et des tortures de la dictature, qui ont tué son père et sa jeune sœur. Il est détective et travaille exclusivement pour les Mères de la Place de mai, ces femmes qui, année après année, œuvrent pour que les disparus de la dictature ne soient pas oubliés. Jana est une jeune sculptrice, Indienne Mapuche, qui a quitté ses racines pour pouvoir exercer son art à Buenos Aires, où elle survit grâce à l'amitié de Paula, un travesti qui fait la retape sur les docks en compagnie de son "collègue" Luz. Ce dernier est retrouvé assassiné dans des conditions particulièrement horribles... De son côté, Ruben Calderon enquête sur la disparition de Maria Campallo, la fille d'un VIP argentin. Ces deux désespérés vont finir par faire cause commune et par lutter ensemble contre un pouvoir occulte qui, malgré le retour de la démocratie, continue à sévir sur le pays... Belle idée que ce couple : Calderon, homme brisé par la dictature, et Jana, jeune Indienne dont la famille a été chassée de ses terres et qui a gardé à jamais les traces de cette oppression. Deux personnages qu'on a envie, puis besoin de mieux connaître, qu'on accompagne avec effroi à travers une terrible aventure. On sent que Caryl Férey aime ses héros, et du coup on les aime aussi, et on leur veut du bien.
Cette histoire qui réunit dans une enquête fébrile, violente et extrême des êtres blessés, en colère, désespérés, nous oblige à nous remémorer l'histoire d'un pays qui, après avoir connu la dictature jusqu'en 1983 puis retrouvé la démocratie, est tombé dans une crise politique et économique redoutable dont nous n'avons pas idée ici, malgré celle que nous traversons. Férey nous rafraîchit la mémoire, nous plonge dans la destinée de l'Argentine, ce pays francophile par excellence, dont nous devrions être si proches et que nous connaissons si mal. Il ne fait pas œuvre de reporter, quoique... De témoin plutôt, un témoin à la sensibilité exacerbée qui, à travers sa fiction, nous en dit plus que bien des reportages que nous oublions de regarder. Un témoin qui, par son talent d'écrivain, nous rend meilleurs peut-être, plus conscients sûrement. Et qui nous offre un grand moment de littérature.
Caryl Férey, Mapuche, Série noire Gallimard
A la recherche des premières critiques sur le dernier Férey que je viens de terminer je tombe ici. Et ça me plais. Je reviendrai.
RépondreSupprimerMerci, bienvenue... et à bientôt !
RépondreSupprimerJ'ai adoré ce Mapuche et j'en ai fait une chronique qu'on dit bien troussée dans le city-mag impertinent LA GRIOTTE sous le titre : En Férey Damnation http://lagriotteanice.wordpress.com/2012/08/04/en-ferey-damnation/
RépondreSupprimerCourez l'acheter !
bonjour, on l'a commencé avec beaucoup d'ardeur, puis l'enthousiasme s'est éteint en cours de route http://bit.ly/Rg2STl
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