22 juillet 2012

Balancé dans les cordes : Jérémie Guez franchit l'obstacle avec les honneurs

Le deuxième roman est toujours un passage délicat pour un auteur : on l'attend au tournant, surtout si son premier a été salué par les lecteurs et la critique, ce qui est le cas de Paris la nuit, de Jérémie Guez (voir la chronique ici). Vous pouvez souffler: Balancé dans les cordes est largement à la hauteur de Paris la nuit, et même bien au-delà... Tony est boxeur. Boxeur, c'est un peu comme écrivain. Quand vous dites que vous êtes écrivain, on vous demande forcément à un moment ou à un autre : "Et vous gagnez votre vie comment?". Tony gagne sa vie en travaillant dans le garage de son oncle, un type qui les a tirés, sa mère et lui, d'un très mauvais pas, mais pour lequel Tony éprouve une méfiance, voire une aversion irrépressible.
Tony vit à Aubervilliers, Auber pour les intimes, après avoir habité le 10e arrondissement de Paris. Avec sa mère, ils habitent une tour bien moche, et sa mère ne correspond pas vraiment à l'image maternelle traditionnelle. Il lui arrive de la retrouver au lit, en pleine journée, effondrée dans une chambre immonde, ivre ou défoncée... Il lui arrive aussi de ne pas la retrouver du tout, et de la voir se pointer le matin, au moment où il se lève pour aller bosser. Mais c'est sa mère, quand même. Tony fait de la boxe, et pas en dilettante. Bientôt, ce sera son premier combat et il est concentré, il s'entraîne comme un fou avec son coach. Il est doué, il est même très bon. Il gagne son premier match, du coup il devient une valeur sûre dans la cité. Mais un soir où il rentre chez lui après une soirée avec la jolie Clara, une étudiante des beaux quartiers avec laquelle il a fait connaissance peu de temps auparavant, il découvre que sa mère s'est fait passer à tabac et qu'elle est à l'hôpital... Pour Tony qui a toujours réussi à se tenir à l'écart des bandes du coin, la vie bascule. Il va faire appel à Miguel, le caïd du coin, pour venger sa mère. Très très mauvaise idée...
Balancé des cordes est sans doute encore plus noir que Paris la nuit, ce qui n'est pas peu dire. Peut-être parce que Jérémie Guez prend le temps de nous faire aimer Tony. Je vais vous faire un aveu : je déteste la boxe, ses codes, son côté macho, son sens de l'honneur, tous ces clichés qu'on nous a si souvent servis avec le romantisme de pacotille qui va avec. Là, Jérémie Guez a réussi le tour de force de me convaincre que la boxe était la planche de salut de son héros, et de me montrer quels étaient les enjeux. A partir de là, l'affaire était jouée. J'ai vraiment vécu à côté de Tony, partagé ses angoisses, sa fureur, sa révolte, ses espoirs. L'écriture de Jérémie Guez est nerveuse, élégante, racée, violente quand il faut, lyrique au moment où on s'y attend le moins. A vrai dire, certains passages où Guez décortique l'action sont tellement bien écrits qu'ils en deviennent pratiquement visuels, et qu'on imagine ce que le Godard d'A bout de souffle aurait su en faire...
Jérémie Guez, Balancé dans les cordes, La Tengo éditions

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