8 septembre 2012

Ian Rankin, en toute liberté (4e partie et fin)... Et joyeux 25e anniversaire à John Rebus !

Pour cette dernière partie, nous avons demandé à Ian Rankin de nous parler de son nouveau personnage Malcolm Fox. Vous remarquerez que, très vite, on en revient à l'inspecteur Rebus, ne serait-ce que pour décrire par contraste Malcolm Fox. Et si vous sautez à la dernière question, surprise, surprise!

Voici enfin votre nouveau personnage.  Présentez-nous Malcolm Fox, du département des Plaintes.
Eh bien, pour commencer, Fox n’écoute pas de musique. Je ne voulais pas que mes lecteurs se disent que je leur refourguais Rebus, mais avec un autre nom. Donc il ne peut pas boire, ni fumer, ni écouter de musique. Ce qui est très frustrant pour moi. Mais il y a des aspects positifs. Depuis le début de la série, Rebus n’a pas d’ami proche, pas de famille proche non plus C’était un personnage très solitaire, très isolé du monde.
Avec Malcolm, cette solitude n’est pas nécessaire. J’ai pris un véritable plaisir à lui créer une famille, une sœur, un père. En fait, la relation que Malcolm Fox entretient avec son père, c'est ma propre relation avec mon père. Ce dernier est mort quand j’avais 29 ans. J’avais déjà publié trois romans, mais je n’étais pas encore un auteur à succès. Mon père ne m’a jamais vu réussir. La relation de Malcolm avec son père est celle que je voudrais avoir avec le mien aujourd’hui. S’il était vivant, je sais ce qu’il me dirait. « C’est très bien tous ces livres, mais bon, ils ne sont pas si formidables que ça, tu vois ce que je veux dire ? Et si tu te trouvais un vrai travail ? »
Dans une certaine mesure, je suis Rebus, mais je suis aussi Malcolm. Je ne suis pas un marginal, je  ne transgresse pas les règles, je n’aime pas le danger. Tandis que Rebus adore perturber les gens, surtout ses chefs. S’ils lui demandent quelque chose, il fait le contraire. Moi, si on me demande quelque chose, a priori je le fais ! Je déteste transgresser les règles. Alors évidemment Rebus était un sujet d’écriture très agréable pour moi, vu que dans la vie, je ne suis pas comme lui.
Et puis Fox a conscience du fait qu’Edimbourg, cela ne se limite pas au crime. Rebus était devenu trop cynique, il n’arrivait plus à voir au-delà du crime. Malcolm n’en est pas là, ce qui me permet de montrer d’autres aspects de la ville. Fox est un homme tranquille, normal. Chez lui, on ne trouve pas les conflits qu’il y avait chez Rebus. En fait, il est plus agréable à vivre. Quand je suis dans sa tête, je m’y sens plus à l’aise que chez Rebus… 

Et pourtant, dès le début de Plaintes, vous marginalisez Malcolm Fox.
Au début du livre, Malcolm Fox est un flic qui respecte les règles. Il est calme, vigilant, rigoureux. Mais il est aussi attiré par les autres flics, ceux qui sont le contraire de lui. On lui demande d’enquêter sur un jeune policier, Breck, quelqu’un de vraiment sympa, mais sur lequel on a des soupçons. Et Fox est fasciné par Breck, il n’arrive pas à déterminer s’il est bon ou mauvais. C’est à ce moment-là que Fox lui aussi devient un suspect, et il est obligé de se comporter comme un marginal, il est oblige de transgresser les règles, de forcer sa nature, pour laver son honneur…
Dans The Impossible Dead (le prochain roman de Ian Rankin à paraître en France), c’est la même chose.  Ce livre est né d’une obsession, et d’une histoire vraie.  Dans les années 80, à Glasgow, il y avait un avocat qui était très proche des terroristes. En Ecosse, ces mouvements militaient pour l’indépendance, dont la population ne voulait pas. Alors certains se sont dit : « Faisons comme en Irlande, posons des bombes, tuons des gens. » En 1984 et 1985, ils se sont mis effectivement à poser des bombes, ils sont essayé de tuer la Princesse Diana, ont envoyé des lettres à l’anthrax aux députés et au premier ministre.
Cet avocat, Wiliam McRae, a payé pour qu’on les laisse quitter le pays, afin qu’ils ne soient pas poursuivis. Il se déplaçait toujours armé, et était surveillé par les Services spéciaux. Un jour, en 1985, des touristes ont vu une voiture qui avait quitté la route et s’était écrasée au bord d’un lac, en Ecosse. Le conducteur était encore vivant, mais grièvement blessé. Ils l’emmenèrent à l’hôpital, où il mourut peu après. C’était William McRae… La scène a été nettoyée tout de suite, et l’affaire n’a jamais été résolue. Un peu plus tard, la police a affirmé que McRae s'était suicidé d'une balle dans la tête. Cette histoire est arrivée à l’époque où j’étais étudiant. J’étais obsédé par deux questions : pourquoi n’avais-je pas prêté attention à cet événement? Sur le plan politique, c’était une période difficile. La Russie et l’Amérique étaient en conflit parce que Reagan voulait conserver les missiles nucléaires, les Américains envisageaient de stationner des missiles au Royaume-Uni, où il y avait aussi des manifestations contre les expérimentations sur les animaux. Greenpeace, le réchauffement climatique, l’Irlande où il y avait encore des poseurs de bombes, ces terroristes écossais qui voulaient faire la même chose en Ecosse… Et pendant ce temps-là, j’étais là, je lisais, j’écrivais, et cette histoire m’a complètement échappé ! Pourquoi ? Deuxième question : où sont ces terroristes écossais aujourd’hui? Beaucoup n’ont jamais été identifiés. Ils sont peut-être là, tout près de nous. Ces questions m’obsédaient, il fallait que j’écrive un livre pour apporter une réponse à ces questions. Il a donc fallu que je trouve une façon d’amener Malcolm Fox à enquêter sur cette histoire

Pensez-vous que Malcolm Fox durera aussi longtemps que Rebus ?
Non, impossible. Un officier m’a dit qu’on ne pouvait rester au département des Plaintes que 5 ans. Après, il faut retourner à la police « normale ». Ce que je ne savais pas quand j’ai inventé Malcolm ! J’ai donc créé un personnage, Rebus, qui a évité la décrépitude à cause de la limite d’âge et de la retraite. Et un autre personnage qui n’a que 5 romans à vivre avant de retourner à un poste d’inspecteur de police.

Un défi pour vous ! Allez-vous lui trouver un autre destin ?
C’est vrai, le sixième roman sera difficile : retourner à un poste d’inspecteur après être passé par les Plaintes ne sera pas évident. Comment les autres flics pourront-ils lui faire confiance ?

C’était déjà un défi que de choisir votre nouveau héros dans le département des Plaintes.
Exact. Les Plaintes, ce sont les méchants ! Mais le défi m’a plu. Fox aurait pu enquêter sur Rebus. C’était exactement ce que je cherchais.

Fox n’est pas un personnage simple, il est plutôt complexe.
Oui, dans sa vie professionnelle il est froid et objectif, mais dans sa vie privée c’est un homme sensible. Avec Rebus, le problème  était que sa personnalité était transformée par son métier. Rebus n’était plus capable de fonctionner en société, car son job, c’était sa vie. Avec Malcolm, je voulais sortir de cela. Malcolm voit sa sœur, s’occupe de son père, il est capable de rentrer chez lui, d’y dîner et de se reposer. Rebus en était incapable.

En novembre paraîtra en Angleterre une nouvelle enquête de Malcolm Fox… avec John Rebus ! Pourquoi avez-vous décidé de faire revenir Rebus?

Oh, pour beaucoup de raisons. Principalement, parce qu’on a changé l’âge de la retraite ! Rebus a donc postulé à un poste d’enquêteur. Bien sûr Malcolm Fox et son équipe vont essayer d’empêcher son retour, à cause de son lourd passé. L’histoire que je voulais raconter était parfaitement adaptée à ce « choc ».  En plus, je trouvais que c’était une bonne manière de fêter le 25e anniversaire du premier Rebus !


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