23 septembre 2012

Pierre Magnan et Le sang des atrides : Lire ou regarder, il faut choisir !

Pierre Magnan qui nous a quitté en avril 2012 ne se doutait certainement pas qu'un jour la télévision lui rendrait hommage lorsqu'il écrivit en 1976, suite à un licenciement après vingt-sept ans de bons et loyaux services dans une société de transports frigorifiques, son premier polar qui allait connaître un succès immédiat. Avec Le Sang des Atrides écrit à cinquante-six ans et récompensé deux ans plus tard par le prix du Quai des orfèvres il donnait naissance au commissaire Laviolette, incarné aujourd'hui par Victor Lanoux. Un choix d'acteur d'ailleurs plutôt inattendu qui a dû surprendre plus d'un lecteur de Pierre Magnan à qui l'on doit aussi entre autres succès La Maison assassinée adaptée pour le cinéma par Georges Lautner en 1988.
Autant Patrick Bruel s'était investi avec fougue dans le rôle de Séraphin Monge, autant Victor Lanoux est à des années lumière du personnage du commissaire Laviolette, décrit comme un quinquagénaire bedonnant et portant chapeau, ancien résistant vite essoufflé sujet aux rhumatismes, cultivé à souhait mais sachant jouir d'une confortable routine policière dans la région de Digne, ville qui tient d'ailleurs le rôle principal de ce roman jonglant entre enquête traditionnelle et peinture de mœurs finement ciselée par un écrivain dont le style ne laissera pas indifférent l'amateur de belles lettres. Le style est épuré avec sophistication. Chaque mot a son importance aussi bien dans les descriptions délectables que dans les dialogues qui participent par leur rythme et leur construction au récit en mêlant humour et citations pour initiés à la littérature classique. Pour en revenir aux adaptation réalisées récemment pour la télévision, on aurait certainement vu un acteur plus jeune, sombre et pince sans rire mais toutefois bon vivant, quelqu'un plus proche d'un François Berléand que d'un Lanoux vieillissant à qui la production a d'ailleurs du ajouter une servante attentive et pittoresque pour distraire les téléspectateurs. Ce qui n’empêche pas cette série d'avoir son charme à condition de ne pas ouvrir un roman de Pierre Magnan mettant en scène le commissaire Laviolette et son ami le juge. Car immédiatement le contraste entre l'original et l'adaptation saute aux yeux. Si le résultat peut parfois être heureux comme avec la série Boulevard du palais inspirée du roman Les Orpailleurs de Thierry Jonquet, probablement grâce à Jean-François Balmer qui a donné une nouvelle dimension au personnage du commandant Gabriel Rovère, il peut aussi dérouter l'amateur de polars qui ne retrouvera pas le plaisir de la lecture dans une série télévisée tournée essentiellement pour mettre en avant un acteur connu. Bien sûr, en utilisant un roman réussi qui a connu en son temps le succès, les scénaristes s'évitent la lourde tâche de modeler de toute pièce dans l'argile fraîche. C'est une tendance en vogue ces dernières années avec les adaptations plus ou moins réussies de personnages qui ont connu un large succès sous leur forme papier. Pour conclure je ne saurai trop vous conseiller de vous replonger dans le roman fondateur du mythe Laviolette si possible en oubliant son incarnation télévisuelle pour jouir du plaisir de découvrir un policier atypique.
Fred
Pierre Magnan : Le Sang des Atrides - Folio

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