2 décembre 2012

Quand John Harvey traque les ombres, le lecteur passe une nuit blanche...

Qu'est-ce qui fait qu'un roman vous accroche ou pas? Qu'est-ce qui fait qu'on est prêt à renoncer à un projet de sortie, un ciné, une ballade à la campagne, un dîner parce qu'on ne peut pas se résoudre à quitter un personnage? C'est la question que je me pose après avoir refermé Traquer les ombres, de John Harvey. C'est la première fois que je lisais cet auteur, je suis tombée sur ce livre au hasard d'une "descente" chez un libraire d'occasion. Donc aucune idée préconçue. J'ai ouvert le livre hier soir, je l'ai terminé cet après-midi, et il ne m'a pratiquement pas quittée. John Harvey a le don : celui de camper des personnages sans descriptions filandreuses, sans psychologie de bazar, à petites touches, grâce aux dialogues, aux situations qui en disent bien plus long que d'interminables paragraphes qui s'appesantissent sur le passé d'un personnage, sur des explications familiales lourdingues, voire des descriptions physiques quasiment cliniques. En quatre pages, Harvey sait attraper son lecteur. En toute sobriété, avec intelligence et charme. Et une fois qu'on s'est attaché aux personnages, l'intrigue n'a plus qu'à dérouler ses fils... Pour peu qu'elle soit bonne, alors le charme est complet.
John Harvey est un auteur anglais prolifique, surtout connu pour la série qui met en scène l'inspecteur Charles Resnick, enquêteur dans la région de Nottingham. Il a commencé sa carrière d'écrivain à la fin des années 80, après avoir longtemps enseigné au lycée puis à l'Université. Depuis, il n'a pas cessé d'écrire à un rythme soutenu, puisque 18 de ses romans sont disponibles en français, chez Rivages/Noir.
Traquer les ombres a paru en français en 2009, et il ne fait pas partie de la série Resnick. Dans ce roman, Harvey nous présente une nouvelle équipe d'enquêteurs, Will Grayson et Helen Walker. L'enquête a pour décor la délicieuse ville de Cambridge et la moins délicieuse cité de Nottingham. C'est à Cambridge que Stephen Bryan, jeune prof de cinéma à l'université, est brutalement assassiné un soir chez lui. Premier sur la liste des suspects, Mark McKusick, l'ex-amant de la victime, congédié peu de temps auparavant. Mais les enquêteurs ont bien du mal à croire à sa culpabilité : la violence inoüie de l'agression  leur semble peu compatible avec la nature apparemment pacifique de McKusick, et avec l'amour qu'il conservait à Stephen. Et surtout, d'autres pistes s'ouvrent devant eux : celle des crimes homophobes qui se sont multipliés dans la région, et celle de Stella Leonard, cette star du cinéma des années 80 disparue prématurément sur laquelle Bryan projetait d'écrire un livre. Stella Leonard, dont la famille, peu bavarde, a refusé fermement de recevoir le futur biographe. Pourquoi cette famille, et surtout son chef de famille, homme d'affaires en vue dans la région et traînant derrière lui un passé plutôt trouble, s'oppose-t-elle si violemment à ce qu'on mette le nez dans ses petites affaires? Will Grayson, qui se débat au beau milieu d'une crise familiale, et Helen Walker, la solitaire, vont avoir fort à faire pour découvrir la vérité. Au passage, l'air de rien, Harvey nous emmène respirer un peu de l'air du temps dans cette Angleterre en proie aux affres du libéralisme, de l'affairisme et de l'homophobie rampante. Une première expérience avec John Harvey, qui sera à coup sûr suivie de nombreuses autres. Si l'on ajoute que le roman commence par une citation extraite d'une chanson de la fabuleuse Beth Orton, on aura compris qu'avec Harvey, on est en bonne compagnie.
John Harvey, Traquer les ombres, traduit de l'anglais par Mathilde Martin, Rivages/Noir

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