Romancier découvert avec Cold Granite , le premier épisode de la série des Logan McRae, Stuart MacBride fait une belle entrée dans la collection "Robert Pépin présente", chez Calmann-Lévy, avec ce Surtout, ne pas savoir glauque à souhait.
Le livre commence par un chapitre de deux pages et demie, qui nous plonge direct dans le vif du sujet. Une jeune fille, prisonnière, ligotée, bâillonnée, se débat en vain. Elle est enfermée dans une pièce crasseuse, pleine de toiles d'araignées et de souris crevées. Un appareil photo monté sur un trépied et, dans un coin, une silhouette qui chantonne "Joyeux Anniversaire". N'importe quoi, l'anniversaire de la jeune fille, c'est dans quatre jours. C'est forcément une erreur. Et pourtant l'homme a un joli cadeau pour elle, caché dans une boîte à outils. Une vieille paire de tenailles... Cut.
Le constable Ash Henderson exerce à Old Castle, une ville écossaise imaginaire. D'après MacBride lui-même, la personnalité de Henderson, celle des autres policiers et le déroulement des événements excluaient de situer l'histoire dans une ville réelle... Depuis douze ans, des jeunes filles disparaissent, quelques jours avant leur treizième anniversaire. Et depuis, régulièrement, chaque année à la date anniversaire de leur fille, les parents des disparues reçoivent une carte d'anniversaire faite tout spécialement pour eux : une photo de leur fille enlevée, mourante, torturée, agonisant dans les douleurs les plus effroyables. Henderson mène l'enquête. Et pourtant, il ne devrait pas : sa fille Rebecca a disparu cinq ans auparavant, à la veille de ses treize ans. Pour tout le monde c'est une fugue. Sauf pour Henderson qui, lui, a reçu les cartes d'anniversaire... Pas question d'en parler : on lui enlèverait l'enquête. Henderson et son secret survivent. Au moment où le roman commence, Rebecca aurait eu 18 ans. Ash est séparé de sa femme, vit dans une vieille maison délabrée et s'occupe quand il a le temps de sa deuxième fille Katie. Et pour tout arranger, il s'est mis en délicatesse avec la pègre locale, à laquelle il doit une somme rondelette et qui n'a pas l'intention de lui faire crédit beaucoup plus longtemps. Voilà : Ash Henderson, anti-héros. On lui a adjoint une psychologue, le docteur McDonald, qui a première vue aurait bien besoin de ses propres soins. Le roman s'étale sur une semaine, et je vous garantis qu'on n'a pas le temps de s'ennuyer...
Racontée à la première personne, l'enquête progresse, bifurque, fait demi-tour, s'entortille jusqu'au coup final, qui fait très mal. On retrouve avec reconnaissance le "style" MacBride : humour noirissime, brutalité extrême, collisions entre les conversations, irruption d'extraits d'émissions de radio, auxquels l'excellente traduction de William Olivier Desmond rend merveilleusement justice. Cerise sur le gâteau : de tous les personnages qui ont leur rôle à jouer dans cette très sombre affaire, pas un ne peut être qualifié de "normal" : MacBride nous offre une hallucinante galerie de portraits de dingos, de pervers, de brutes et de menteurs. Et il relève haut la main un défi qu'il ne s'est peut-être pas lancé : nous attacher aux pas de héros antipathiques, souvent méprisables, et faire en sorte qu'on les suive jusqu'au bout... Henderson lui-même est un homme qu'on n'a pas forcément envie de fréquenter : ses malheurs ne suffisent pas à justifier sa violence extrême (âmes sensibles, s'abstenir), son entêtement de taureau en furie, son absence presque totale de sensibilité, sa haine et sa rage. MacBride ne s'embarrasse pas outre mesure du souci de vraisemblance. Henderson survit à des agressions qui viendraient à bout de plus d'un dur-à-cuire... Et ça n'a finalement aucune importance car, on l'a bien compris, là n'est pas le propos. Qui est de proposer un roman intégralement noir, intégralement pessimiste, où les seuls moments de respiration sont ceux où l'auteur exerce son humour ravageur, propre à balayer toutes les déprimes. Ce roman devait être un "one shot". Et puis finalement, MacBride vient de sortir un deuxième roman "featuring" Ash Henderson... Comme quoi les anti-héros antipathiques ont de beaux jours devant eux !
Stuart Macbride, Surtout, ne pas savoir, traduit de l'anglais (Ecosse) par William Olivier Desmond, collection "Robert Pépin présente", Calmann Lévy
Super résumé, j'ai adoré ce livre et je vais me procurer le suivant en espérant être aussi agréablement surprise.
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