19 janvier 2014

Sam Millar, Les chiens de Belfast : Le privé nouveau est arrivé, et il est irlandais!

Si vous avez lu les romans précédents de Sam Millar, vous allez être surpris. De Redemption Factory à On the Brinks en passant par Poussière tu seras, on connaît un Sam Millar auteur très noir, ne reculant pas devant la violence extrême s'il la juge nécessaire à son récit. De l'autobiographie au roman noir, on a pris l'habitude d'une narration relativement linéaire, tendue. Avec ce premier volume de sa série policière, il nous présente son héros récurrent, le détective privé Karl Kane. Sacré animal, ce Karl. Quadragénaire, divorcé, il vit et travaille avec la brune Naomi, très amoureuse, un brin autoritaire (pour la bonne cause) et est amoureux de sa voiture. Karl Kane est un homme qui souffre le martyre. D'hémorroïdes, pour commencer. Douloureuses, persistantes, humiliantes...
L'action des Chiens de Belfast se déroule sur deux mois, de janvier à mars. Et commence par une scène d'horreur pure, avec l'agonie d'une femme agressée et torturée par une bande d'ordures mâles qui l'a laissée pour morte. Il aurait peut-être mieux valu, vu le sort qui lui est réservé...
On fait la connaissance de Karl Kane au moment pile où il soigne ses hémorroïdes et jette à la poubelle la énième lettre de refus d'une maison d'édition à laquelle il a proposé son roman. Tout va bien... C'est ce moment précis que choisit le sieur Munday pour solliciter les services du détective. Il veut tout savoir sur un cadavre découvert la veille dans le jardin botanique de la ville. Et il apporte avec lui une jolie enveloppe pleine de billets. Cinq cents livres, pour être précis, qui tombent à pic car les finances de Kane ne sont pas précisément florissantes. On s'en doute, Karl Kane n'est pas du genre à tomber sur des affaires faciles, des filatures de conjoints infidèles, ou des enquêtes de moralité. Et cette enquête-là va l'entraîner beaucoup plus qu'il ne pourrait l'imaginer. Meurtres sauvages et pervers - Millar a lâché la bride à son imagination - , flics corrompus, rien ne va lui être épargné, une véritable hécatombe... Mais Karl Kane est solide. D'autant plus solide que son enfance a été marquée par la mort atroce de sa mère, assassinée par des hommes auxquels il a miraculeusement échappé.
Il faut un moment pour digérer Les chiens de Belfast. Parce que Sam Millar joue avec nos nerfs, nous faisant passer sans crier gare de l'horreur la plus sombre aux dialogues les plus truculents, ce à quoi il ne nous avait guère habitués. Karl Kane a en effet un humour très particulier, et nourrit avec ses congénères des rapports  des plus pittoresques. Sam Millar nous gratifie également de scènes de sexe pas piquées des vers, qu'elles soient amoureuses ou violentes, de portraits particulièrement gratinés et de métaphores hallucinantes. Echantillon :
"Il a eu ce qu'il méritait, marmonna la vieille dame à l'air angélique du numéro 18, dont les cheveux fraîchement permanentés ressemblaient à une barbe à papa en folie (...), en souriant comme un couteau bien affûté. Seules ses fausses dents paraissaient vraies."

Karl Kane jure comme un charretier, peste comme personne, et finit l'air de rien par venir à bout d'une affaire qui se constitue au fil du roman à partir d'événements de plus en plus horribles qui, petit à petit, finissent par prendre sens et révéler des dégâts d'une ampleur rare. Belfast a la part belle bien sûr dans ce polar désarticulé, bondissant, rouge et noir, plein de bruit et de fureur. Et Sam Millar y fait entendre une voix de plus en plus singulière et intrigante.

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Sam Millar, Les chiens de Belfast, traduit par Patrick Raynal, Seuil Policiers

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