8 mai 2017

Tana French, "L'Invité sans visage" : combat sans pitié pour enquêtrice farouche

Un nouveau roman de Tana French, c'est toujours un jour de fête pour moi... Et L'invité sans visage ne fait pas exception à la règle. Nous retrouvons l'inspecteur Antoinette Conway, de la brigade criminelle de Dublin, à la manœuvre d'une enquête bien tordue, en compagnie de Stephan Moran, son fidèle coéquipier sans lequel l'existence serait bien difficile. La vie n'est pas un jardin de roses pour une femme inspecteur.  Le roman commence par un prologue qui nous en dit un peu plus sur le passé d'Antoinette, et permet aux lecteurs qui n'ont jamais lu Tana French de faire la connaissance de cet inspecteur opiniâtre, sombre, qui a appris à l'âge de 13 ans que son père, qu'elle n'a jamais connu, était une sombre brute qui battait sa mère.

Au mois de janvier, il fait froid à Dublin. Froid, gel, givre, pluie, neige : la brigade criminelle, installée à l'intérieur de l'enceinte du château, n'a rien d'un lieu hospitalier. C'est là que, cette nuit-là, Antoinette et Steve terminent leur tour de garde et s'apprêtent à rentrer chez eux prendre un peu de repos après avoir terminé leurs rapports sur les événements nocturnes, à savoir une bagarre de rue particulièrement violente. Mais voilà : le commissaire O'Kelly leur colle une nouvelle enquête, il y a urgence. Une jeune femme a été retrouvée assassinée chez elle, dans le quartier de Stoneybatter. Violence conjugale, présume-t-on, ça devrait être vite réglé. Et pour accélérer le mouvement, on va imposer à l'équipe la supervision de Breslin, la bête noire d'Antoinette... Arrogant, agressif, misogyne, tout pour plaire.


La victime, Aislinn Murray, est une jeune femme moderne, son appartement est nickel, hormis les taches de sang. Rien chez elle ne fournit d'indice sur sa personnalité. "Si elle n'était pas couchée par terre dans le salon, je penserais qu'elle n'a jamais existé", observe Antoinette. Très vite, l'hypothèse de la violence conjugale doit être écartée. L'affaire est beaucoup plus compliquée que cela, ne serait-ce qu'à cause de la personnalité de la victime, qui n'est pas précisément la jeune fille ordinaire qu'on croyait. C'est en tout cas ce que laisse entendre sa meilleure amie, Lucy Riordan.

Le quartier de Stoneybatter, Dublin
Très vite, les pistes mènent vers Rory Fallon, le libraire avec lequel Aislinn avait rendez-vous ce soir-là, et pour qui elle avait préparé le dîner chez elle. Drôle de type ce Rory, un brin pleutre, qui, de son propre aveu, passe davantage de temps dans sa propre tête que dans la vie réelle; les indices qui mènent vers lui sont tellement nombreux que c'en devient suspect... Antoinette Conway  éprouve une étrange sensation de déjà-vu envers la victime. Et pendant ce temps-là, Breslin piaffe : il trouve que l'enquête ne va pas assez vite, et surtout que Fallon est le coupable parfait.  Antoinette et Steve vont devoir se battre pour continuer à chercher la vérité, d'autant plus que leur quête les mène sur des terrains mouvants et un peu trop proches du pré-carré de Breslin et de ses sales petits secrets.

Antoinette Conway est une sacrée bonne femme : solitaire, ombrageuse, elle jure comme un charretier,  se bat comme un beau diable, attrape une heure de sommeil quand elle peut, se fourre dans des situations impossibles et met en place des dispositifs où elle risque non seulement sa carrière, mais sa peau. Et dans ce roman-là, son histoire personnelle va jouer un rôle inattendu. Tana French, une fois de plus, réussit son coup : un roman touffu, une intrigue particulièrement bien mise en place, une construction magistrale, un suspense redoutable, et surtout des personnages complexes unis par des relations tordues qui donnent tout son dynamisme à une action qui ne se relâche jamais. L'invité sans visage ne laisse pas un moment de répit, et confirme, si c'était nécessaire, que Tana French excelle aussi bien dans le "procedural" que dans le roman d'atmosphère et de psychologie. Bravo l'artiste!

Tana French, L'invité sans visage, traduit de l'anglais par Aude Gwendoline, Calmann Lévy

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