Cathi Unsworth fait partie des auteures les plus singulières et les plus attachantes de la littérature anglaise. Ex-journaliste dans la presse musicale, ses premiers romans sont marqués par ce milieu et les êtres peu ordinaires qui le peuplent. Adoubée par la "crème de la crème" de la littérature noire du Royaume-Uni (Ken Bruen, Robin Cook et David Peace), elle commence sa carrière de romancière en 2005 avec The Not Knowing (Au risque de se perdre, voir chronique ici ) et, d'emblée, fait la preuve de son sens dramatique et de son talent de créatrice de personnages inoubliables. Mais c'est probablement grâce à sa capacité à évoquer le Londres du début des années 90, ses lieux et ses ambiances, qu'elle forge sa réputation.
Une réputation qui ne fera que s'affirmer avec son deuxième roman, The Singer (Le chanteur, voir chronique ici), où elle choisit d'évoquer le punk, son histoire et ses héros déchus, au cœur d'une intrigue en deux temps. Le premier, l'époque des concerts punk; le deuxième, début des années 2000, où un journaliste de la presse musicale tombe sous le charme du héros punk Vincent Smith, et du même coup dévoile des secrets qu'il aurait dû laisser dormir...
Avec Bad Penny Blues (voir chronique ici), on passe aux années soixante, que Cathi Unsworth reconstitue comme si elle les avait connues, avec une enquête policière basée sur des faits réels. Jack the Stripper, tueur en série qui terrorisa Londres et fit au moins huit victimes dans le quartier de Hammersmith en 1964 et 1965, ne fut jamais identifié...
Avec Weirdo (Zarbi, voir chronique ici ), changement de localisation : Cathi Unsworth fait un retour aux sources, vers le Norfolk dont elle est originaire, pour raconter l'histoire terrible de Corinne Woodrow qui, en 1984, fut condamnée à la prison à vie pour avoir commis un meurtre rituel sur une de ses amies. Là encore, Cathi Unsworth fait la preuve de son talent pour évoquer une époque politiquement difficile (1984, les grèves des mineurs, le pouvoir aux mains de Margaret Thatcher) et une région en pleine déconfiture, avec les victimes de la crise, d'autant plus fragiles qu'elles sont jeunes, comme Corinne Woodrow. Dans tous ces romans, la musique fait partie intégrante des textes, et Cathi Unsworth sait comme personne montrer comment, loin d'être un accessoire qu'on plaque sur une histoire pour l'illustrer, elle constitue au Royaume-Uni un véritable marqueur de l'histoire du pays. Et Corinne Woodrow, personnage bouleversant, fait partie de ceux qu'on n'oublie pas de sitôt.
Depuis, Cathi Unsworth a publié deux autres romans (non encore traduits). Le premier, Without the Moon, sorti en 2015, se déroule à Londres en plein Blitz. Le détective Greenaway est aux trousses d'un tueur en série qui s'en prend aux prostituées. Entre marché noir, trafics en tous genres et crime organisé, Cathi Unsworth, tout en s'inspirant de faits réels, brosse de la vie à Londres sous les bombes un portrait souterrain, intime et noir. Le second, That Old Black Magic, vient de sortir en Angleterre et s'inspire là encore d'un fait divers non élucidé : la découverte en 1943, au creux d'un arbre mort, du corps d'une mystérieuse femme. A partir de cet horrible souvenir, Cathi Unsworth concocte une histoire qui mèle espionnage, collaboration, magie noire et satanisme dans un contexte totalement chaotique. Elle poursuit, mine de rien, son travail de romancière historienne de son pays, livrant du Royaume Uni une vision unique, très noire et très personnelle.
Cathi Unsworth sera le week-end prochain (du 19 au 21 mai 2018) au festival du Goéland masqué à Penmarc'h, en compagnie de beaucoup d'autres auteurs.
A lire aussi : l'interview en roue libre de Cathi Unsworth.
Tous les romans traduits en français de Cathi Unsworth sont disponibles aux éditions Rivages.
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