Le Varesi de l'année - le cinquième - est arrivé, et il ne déçoit pas. A vrai dire, la mélancolie, voire la déprime qui touche Soneri dans ce nouveau roman sont parfaitement adaptées à l'ambiance contemporaine, même si le roman a été publié pour la première fois en 2007. Nous sommes, bien sûr, à Parme. Ce soir-là, la brume a rendu les alentours de la ville difficilement praticables, et il faut au moins un Soneri, qui connaît comme nul autre la cité et sa région, pour parvenir sur les lieux d'un carambolage géant, où il va, dans un premier temps tomber nez à nez avec un taureau massif échappé d'on ne sait où, puis découvrir le corps calciné d'une jeune femme. Non loin de l'embranchement d'autoroute, tout près d'un camp de nomades. La brume est lourde, poisseuse, humide, trompeuse. Comme complice de la mort qui rôde, empressée à aider le coupable à se dissimuler et à fuir. Malgré son état, on ne tarde pas à identifier la victime, une jeune Roumaine qui, bientôt, va commencer à obséder Soneri. Qui est-elle, comment est-elle arrivée là, qu'est-ce qui lui a valu ce sort terrible ? Autant de questions que ne va pas apaiser la découverte dans un bus spécialisé dans les trajets Roumanie - Italie du cadavre d'un vieux Roumain...
Parme, le Dôme et le Baptistère - Carlo Ferrari. / CC BY-SA |
Obsession pour la jeune Roumaine assassinée, ressentiment envers Angela : le couple Soneri - Angela essuie un coup de vent. Angela s'est laissée séduire par un autre homme, avec lequel elle entretient une relation très épisodique, sans le dissimuler à Soneri. Ce dernier est fou de rage et de chagrin : ces deux-là ne sont plus des gamins, et pourtant, pour Soneri, il est bien difficile de ne pas céder à la colère face à une Angela à la fois lucide et indécise, une Angela qui le rend littéralement fou. Une bonne partie du roman est consacrée à une analyse sans pitié de la relation : Soneri se penche sur son passé, ses échecs, ses douleurs enfouies. Soneri a peur, tout simplement.
Dans ce roman-là, Valerio Varesi teinte sa chère mélancolie d'un brin de désespoir, et cela lui va bien. Il a conservé sa capacité à évoquer des personnages aussi singuliers que séduisants : dans ce roman-là, on n'oubliera pas Sbarazza, vieux dandy déchu que Soneri rencontre à la table d'une de ses cantines préférées, le Milord, où il a l'habitude de déguster les anolini au bouillon mitonnés par le chef Alceste. Sbarazza, élégant dans ses vêtements élimés, a pris l'habitude de s'attabler devant le couvert d'une femme qui vient de quitter le restaurant afin de terminer son assiette, voire sa bouteille de vin. Intelligent, ironique, élégant, Sbarazza est un interlocuteur de choix pour Soneri, un poète philosophe et pessimiste que l'âge rend amer : "La sagesse, ajouta Sbarazza en approchant son visage de celui du commissaire, n'est qu'un fourbi de vieillards. Ne croyez pas à la conquête du temps, il ne s'agit que de décrépitude".
Avec Valerio Varesi, nous avons pris l'habitude de lire des polars subtils doublés d'une atmosphère et d'une mélancolie inimitables. Dans Or, encens et poussière, l'amertume et la tristesse prennent une place prépondérante, et le roman endosse un habit ambitieux, doublé d'incertitudes et de questions sans réponses.
Valerio Varesi, Or, encens et poussière, traduit par Florence Rigollet, Agullo Noir
Valerio Varesi, Or, encens et poussière, traduit par Florence Rigollet, Agullo Noir
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