La police cherche à retracer ses faits et gestes de la veille, en relation avec un meurtre commis dans le quartier. Une femme de 45 ans a été étranglée chez elle... Jusque-là, rien d'anormal : la police fait son travail. Mais Kaga s'attarde devant le magasin, et profite de ce que Nao, la petite-fille de Satoko, ferme la boutique pour se glisser dans le magasin et lui poser une étrange question sur les vêtements que portait Takura au moment de sa visite. Du même coup Kaga se laisse tenter par un paquet de biscuits de riz...
Voilà comment commence l'enquête de Kaga. Voilà comment le roman séduit aussi bien les Japonais que les lecteurs qui n'ont jamais mis les pieds à Tokyo. Aux Tokyoïtes, il offre une occasion de "re"visiter leur propre ville : on sait à quel point les lecteurs sont sensibles aux lieux dans la littérature, et surtout à ceux qu'ils connaissent ou ont connus. Aux autres, il permet un accès privilégié à la ville, une impression de se mettre dans les pas d'un familier des rues et de quartiers, une sensation d'être admis dans le secret des lieux. Nous allons suivre Kaga, l'observer en train de pister le mystérieux Takura, essayer de deviner quel est le lien entre cet homme et le meurtre de la quadragénaire Mitsui Mineko. Avec lui, nous allons faire la connaissance de personnalités du quartier : "Et je commence par observer. Le quartier me plaît, d'ailleurs. Je reviens de chez un horloger qui m'a montré une horloge inhabituelle, une colonne à trois faces, avec trois cadrans, qui avancent toujours exactement de la même façon."
Nihonbashi Ningyocho - 江戸村のとくぞう, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons |
Kaga est curieux de tout, des objets comme des humains, et c'est sa curiosité et son sens de l'observation sans limites qui vont l'amener à s'approcher, par cercles concentriques, du cœur du problème : la vie de la défunte solitaire. Le parcours va passer par le Matsuya, un restaurant de quartier dirigé par la tyrannique Yoriko et son mari Taiji, qui mènent à la baguette un jeune apprenti et sa collègue un peu plus âgée. Là, une histoire de gaufres nature et fourrées aux haricots rouges va éveiller l'attention de Kaga, toujours prêt à trouver une piste là où nul autre ne viendrait la chercher. Une bonne occasion pour Higashino de nous insuffler un désir de cuisine japonaise, avec "un pâté à base de moutarde épinard et de fumet de bonite séchée, saupoudré de poutargue" dont Kaga va se délecter, sans pour autant oublier son affaire... C'est ensuite dans un magasin de porcelaine que Kaga va fureter.
C'est ainsi que, l'air de rien, l'étrange et séduisant enquêteur va tirer sur les fils d'une pelote bien emmêlée, en défaire les nœuds, trouver les liens clés et finalement parvenir à une vérité inattendue. Kaga, flic de charme, nous emmène par petites touches vers la vérité, et surtout, au passage, nous fait explorer un quartier par les petites portes qu'il pousse tour à tour, nous faisant découvrir des vies ordinaires ou moins ordinaires, et des personnalités attachantes aux secrets bien cachés. Une belle réussite, une enquête complexe, une écriture subtile et une construction habile : que demander de plus ?
Keigo Higashino, Le nouveau, traduit du japonais par Sophie Refle, Actes Sud / actes noirs
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