Voici le deuxième volet des Saisons meurtrières de Gilda Piersanti. Cette fois, on change franchement de quartier. Vous connaissez les vieux rêves de Le Corbusier, et sa célèbre résidence "utopique" et marseillaise, la Cité radieuse ? Eh bien nos amis italiens ont eu, eux aussi, leur Le Corbusier, et il en a résulté le Corviale, une "barre" de 1 km de long, haute de neuf étages situé en bordure de la ville éternelle, au sud-ouest, bâtie au début des années 80. Cette barre, que les Romains appellent aussi le "Serpentone", ce n'est pas une idée, mais une réalité difficile, et une mauvaise réputation tenace.
On comprend dès lors pourquoi Gilda Piersanti a choisi de situer là sa deuxième Saison meurtrière. Un lieu improbable, un pari d'urbanisme sans doute intenable, et une population qui s'accommode bon an mal an d'une situation sur le fil du rasoir. On retrouve avec plaisir l'inspecteur Mariella de Luca, toujours aussi solitaire, toujours aussi caféinomane, et le commissaire d'Innocenzo, qui nous avaient fait passer un drôle de Noël dans le premier volume de la série, Rouge abattoir.
Cette fois, c'est de la disparition d'une petite fille de 8 ans, Sara, qu'il s'agit. Il pleut des cordes depuis des jours et des jours à Rome, à tel point qu'on craint l'inondation. La dernière fois, Gilda Piersanti nous avait entraînés dans Rome sous la neige, cette fois c'est l'eau qui domine : là encore, on est loin de la carte postale touristique. L'eau, et aussi le football, pardon, le calcio. Car en Italie, le football rythme littéralement la vie des Italiens, hommes et femmes. C'est plus précisément avec le derby Lazio - Roma, une compétition qui oppose deux équipes romaines aux partisans bien différenciés, que démarre le roman. Pas d'inquiétude si vous n'aimez pas le football : moi non plus, et pourtant le calcio fait tellement partie de la vie des Romains que ce n'est même pas agaçant... Le foot est prétexte à toutes les oppositions et à la manifestation de toutes les différences, un révélateur en quelque sorte.
Donc, la petite Sara, partie tout seule chercher son gilet oublié sur les terrasses du Corviale, n'est jamais rentrée chez elle. Volatilisée... Mariella enquête, elle furète, elle explore, et manque de se faire trucider par un colosse en noir en se lançant sur les traces de la petite. Ce soir-là, sur le Corviale, c'est un peu comme dans Alien, on ne vous entend pas crier, car dans les 1200 appartements, on regarde le match... Mariella réussit à échapper à son agresseur... Peu après, le même homme en noir est retrouvé, écrasé comme une crèpe, au bas du Corviale... A Rome, on est en pleine psychose sécuritaire, car un réseau de pédophiles vient d'être dévoilé. On pense donc aussitôt au pire. Mais après tout, qu'est-ce que le pire ? Je ne vous en dis pas plus, je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la découverte et le bonheur de lecture qu'offre à chaque fois Gilda Piersanti. L'auteure traite son lecteur en complice : elle va jusqu'à évoquer un stage effectué par Mariella à Oxford, où l'inspecteur a eu la chance de rencontrer... l'inspecteur Lewis ! Les fidèles de l'inspecteur Morse apprécieront.
Des personnages fouillés, des névroses creusées au scalpel, une intrigue impeccable et une peinture de l'Italie toute en images, en couleurs et en sons : Vert Palatino n'a pas attendu longtemps dans ma pile "à lire"... J'oubliais, vous aurez aussi droit à une belle bande son comme Gilda Piersanti sait les concocter (Procol Harum, Röyskopp, Sigur Ros, Radiohead bien sûr, Gianna Nannini, Mahler, Joni Mitchell, Queen, Missy Elliott, Macy Gray, Franck Bedrossian, Alban Berg, Luciano Berio, György Ligety, Anton Webern, Tan Dun, Gianni Morandi, Antonello Venditti, Clash), à de bien beaux exergues en tête de chaque chapitre et même à la recette de la minestra à la raie !
Lire aussi notre chronique de Rouge abattoir et notre interview de l'auteur.
Vert Palatino, de Gilda Piersanti, éditions du Passage
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