Après le succès phénoménal des Visages, tout le monde attend Jesse Kellerman au tournant ! Ce deuxième roman paru en français a en réalité été écrit avant les Visages, et le changement de style qu'on y constate n'est donc pas à imputer à une maturation quelconque. En effet, si dans Les Visages l'écriture était plutôt sage, pondérée, retenue, là Jesse Kellerman s'est lâché. Est-ce parce que le milieu où il a choisi de situer Jusqu'à la folie - le milieu médico-hospitalier - lui est plus connu (voir son interview) ? Est-ce justement parce que, plus jeune au moment de l'écriture, il a voulu faire parler la poudre? Toujours est-il que sur ce plan-là, c'est une bonne surprise.
Donc... Jonah Stem est étudiant en médecine, interne en quelque sorte, dans un hôpital New Yorkais. La peinture que fait l'ami Jesse du milieu hospitalier américain ne donne pas envie de tomber malade à Manhattan, c'est le moins qu'on puisse dire. On sent du vécu là-dessous : l'épouse de l'auteur est elle-même médecin, et son expérience a été fort utile à Jesse Kellerman, qui n'en a pas perdu une miette et qui la restitue à la puissance 10. Epuisé, crevé, vidé, Jonah rentre chez lui tard dans la nuit lorsqu'il est témoin d'une agression contre une jeune femme. N'écoutant que sa bravoure, il s'élance à son secours et finit par éliminer définitivement l'agresseur. Du jour au lendemain, Jonah devient un héros... Vous imaginez bien que ce n'est pas si simple. Jonah culpabilise : il a tué un homme, quand même. Il est le roi de la culpabilisation : son ex-petite amie est devenue schizophrène. Donc devinez quoi : Jonah culpabilise parce qu'il ne s'occupe pas assez d'elle... Un vrai gibier de psychanalyste ! La jeune femme qu'il a sauvée d'une mort certaine vient lui manifester sa gratitude, et plus encore... Elle est belle, drôle, brillante, et complètement siphonnée. Trop siphonnée pour être inoffensive : Jonah va l'apprendre à ses dépens. Pris en étau entre son ex schizo et sa nouvelle amie folle comme un coucou, le pauvre garçon va passer par des épreuves de plus en plus pénibles, et se retrouver, après une montée en puissance du récit plutôt réussie, dans une situation totalement terrifiante.
Mission accomplie donc pour ce deuxième roman en français. Petit bémol : dans Les Visages, l'histoire était vraiment originale et fascinante, et on ressentait un peu de frustration face à un dénouement un peu hâtif. Ici, l'histoire est plus classique - le harcèlement du gentil héros par une femme fatale... vraiment fatale - et le mécanisme étant relativement connu, on est moins surpris par la conclusion, un peu rapide là encore. Mais l'écriture plus libre, plus violente pour tout dire, montre que l'auteur a plus d'une corde à son arc.
Jesse Kellerman, Jusqu'à la folie, traduit de l'américain par Julie Sibony, Les Deux terres
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