Quel étonnant roman que le petit dernier de Pascal Dessaint! Lui qui nous a habitués à des œuvres très noires ou très absurdes, voilà qu'il nous envoie un roman cruel, au sens des Contes cruels de Villiers de l'Isle Adam. Côté géographique, ça se refroidit singulièrement. Loin de Toulouse et des Pyrénées, Dessaint a trempé sa plume au large de la Normandie et des blanches falaises. Côté personnages, il s'offre carrément une chorale puisqu'il n'y a pas moins de 12 personnages dans cette histoire complexe. Dont deux morts, l'un suicidé du haut d'une falaise, l'autre victime d'un accident aussi absurde qu'atroce.
Un groupe humain, un groupe d'amis plutôt quadra, copains d'enfance ou d'adolescence que la vie a gardés rassemblés, mais pour combien de temps encore ? Tour à tour, les hommes et les femmes prennent la parole. Sauf une, tiens, Elodie, la femme de l'homme accidenté. On parle d'elle, elle n'a pas voix au chapitre, sauf à être citée dans un chapitre qui ne lui appartient pas. Pascal Dessaint endosse donc tour à tour les personnalités et les voix de ces personnages que la vie a conduits à des destins bien différents : Bernard le bétonneur, Serge l'écolo savant, entre ces deux-là, il fallait bien que ça pète un jour. Ces deux-là, les deux morts qui vont révéler autour d'eux des tourbillons de manque d'amour, d'amitié bancale, d'incompréhension, de mensonges, sont bel et bien les personnages centraux du roman qui déroule au long des chapitres un fil, détricotant ainsi les oripeaux des un(e)s et des autres, déshabillant les âmes. Et étonnamment, alors qu'on connaît la passion que voue Pascal Dessaint à la nature animale et végétale, en dépit de magnifiques descriptions de paysages et d'atmosphères, il nous met en face de notre cruauté par le biais de deux animaux victimes d'une mort stupide provoquée par l'homme, un sanglier et un chevreuil. Ce livre serait-il pessimiste? Ce qui est certain, c'est que l'humain n'en sort pas grandi. De veulerie en mensonge, de tromperie en lâcheté, nul n'échappe à la plume précise de Pascal Dessaint. Roman du délitement, de la fuite, de la mort, de la révolte étouffée, magistralement construit et écrit, Maintenant le mal est fait porte magnifiquement son titre.
Pascal Dessaint, Maintenant le mal est fait, Rivages
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