25 mars 2014

Val McDermid, "Châtiments" : la grande prêtresse du crime psychopathe est de retour

Si je chronique peu de romans à psychopathes et à serial killers, c'est la faute de Val McDermid. Car à côté de ses romans, la plupart des autres semblent artificiels, superficiels, mécaniques, sans la moindre profondeur, et surtout s'oublient au bout de 24 heures... Revoilà donc la grande Val, et son couple infernal le profileur Tony Hill et l'inspecteur Carol Jordan. Si vous aimez les séries télé qui arrachent, vous avez certainement vu La fureur dans le sang, série culte des années 2000 qui mettait en scène ces deux personnages aussi perturbés l'un que l'autre, unis pour empêcher de nuire les pires malades mentaux, coupables des crimes les plus atroces. Et si ça ne vous dit rien, allez voir par là...
Dans Châtiments, retour aux sources. Dans le deuxième roman de la série, La fureur dans le sang, sorti en France en 1998, Hill et Jordan réussissaient à arrêter un épouvantable pervers coupable de tortures, de séquestrations et de meurtres sur de très jeunes filles. Cerise sur le gâteau, ce grand malade était aussi une star de la télé... Jacko Vance, c'est son nom, purge donc une peine à vie dans une geôle anglaise. Las, en plus d'être fou comme un lapin, Jacko est aussi extrêmement intelligent. Et il n'a pas l'intention de terminer sa vie en prison. Il va donc adopter le comportement du détenu modèle, se débrouiller pour se faire transférer dans une unité de soins psychiatriques, se faire passer pour son voisin de cellule et profiter d'une permission de ce dernier pour se substituer à lui, se faire emmener en taxi à sa place, et se faire la belle, naturellement. Inutile de dire que Vance a soigneusement préparé son évasion, et surtout sa sortie, grâce à l'aide d'un de ses ex-fans persuadé de son innocence... pour son plus grand malheur. Vance a réussi à conserver le pactole gagné grâce à ses émissions de télé, et n'a aucun problème d'argent. A sa sortie, tout est prêt : habitation, vêtements, voitures, et tout un équipement informatique sophistiqué qui va lui permettre de mettre à exécution son plan de vengeance. Contre qui ? Contre tous ceux qui ont contribué à son arrestation, contre ceux qu'il considère comme des traîtres. Mais il veut savourer sa revanche : pas question de s'en aller tuer bêtement ses ennemis vrais ou supposés. Non, il faut les faire souffrir, longtemps, profondément...

Et au premier rang de ses victimes, Carol Jordan et Tony Hill, qui, au moment où ils apprennent l'évasion de Vance, sont aux trousses d'un tueur en série qui s'en prend aux prostituées de la ville. On le voit : côté intrigue et rebondissements, McDermid assure avec d'un côté la traque au serial killer et de l'autre la fuite face à un Vance totalement ivre de rage, complètement seul, et qui n'a rien à perdre. Il faut l'arrêter très vite, car à côté de son plan, l'Armageddon ressemble à une promenade de santé.


Val McDermid à Harrogate en 2013
La grande force de Val McDermid, c'est son talent pour créer des personnages absolument fascinants. Carol Jordan, femme blessée, seule, vulnérable mais d'un courage insensé, a du mal à aimer... On vient de fermer l'unité spéciale qu'elle a dirigée pendant des années. Elle est en pleine déprime, et ne sait pas de quoi demain sera fait. Tony Hill, le psychologue profileur, est plus que jamais en proie à ses obsessions et à ses nuits sans sommeil, passées devant des jeux vidéo stupides. Plus que jamais, son esprit est le réceptacle des perversions criminelles des criminels qu'il soigne et de ceux qu'il pourchasse lorsque Carol Jordan fait appel à ses talents. Et ces deux-là, que tout devrait réunir, ne parviennent jamais à se rejoindre. Ils sont à la fois leur pire ennemi mutuel et la seule relation possible pour chacun d'eux.


Comme à son habitude, Val McDermid nous livre une description très noire de la vie dans ce nord de l'Angleterre appauvri, de ces quartiers misérables et dangereux où les femmes n'ont d'autre choix que de risquer leur vie pour la gagner. Elle construit son roman avec une habileté diabolique et un sens du suspense à peu près irrésistible. Côté personnages, c'est sans doute là que McDermid est la plus douée : Jacko Vance, son amoralité totale, sa cruauté absolue, sa violence inouïe. Carol Jordan, sa solitude oppressante, son petit faible pour l'alcool, sa dureté et son refus des sentiments. Tony Hill, ses douleurs insondables, son incroyable intuition, son engagement total face au mal absolu. Et chez ces deux-là, un sentiment de culpabilité à vif, que rien ne parvient jamais à atténuer. Sans oublier les personnages secondaires qui sont eux aussi particulièrement soignés, et dansent magnifiquement le ballet macabre de la chorégraphe McDermid. Une belle réussite, et une fin qui ne donne qu'une envie : lire la suite, très vite.

Val McDermid, Châtiments, traduit de l'anglais par Perrine Chambon et Arnaud Baignot, Flammarion

2 commentaires:

  1. A quand la sortie du tome suivant en français ?

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  2. Epoustouflant à quand le suivant pas trop longtemps à attendre j'espère. J'avais lu "La dernière tentation" à sa sortie et là je lis "Châtiments". J'ai aussitôt commandé les éléments manquants de la série? En lisant dans l'ordre de l'histoire... je relis "Châtiments" qui ne va pas avoir la même saveur que la première fois. Au-dessus de beaucoup de séries je crois que l'on trouve tous les genres de tueurs, de personnages et de sentiments en étant à chaque fois surpris et emmené dans le sillon de l'histoire. Merci Madame.

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