26 octobre 2019

Luc Baranger, L'Extravagant Monsieur Parker : un drôle de pistolet

Luc Baranger se présente lui-même sur la page d'accueil de son site comme "Écrivain - Traducteur - Parolier - Nègre" . Né dans le Maine-et-Loire, il a posé ses valises au Québec après avoir parcouru le monde au gré de son inspiration, des vents du moment et avoir exercé les métiers les plus inattendus. Romancier et traducteur prolifique, il avoue une dévotion particulière pour JJ Cale. Un homme qui aime JJ Cale ne peut pas être mauvais...

La narratrice du roman s'appelle Abigail McLaughlin. Au moment où elle écrit, elle a réussi une belle carrière d'historienne, et, écrit-elle, "la mort a pour moi toute la délicatesse du gandin qui sait y faire avec les femmes". En écrivant cette histoire, elle tient la promesse faite à LeRoy Parker : ne la révéler qu'à la veille de sa propre mort. Son récit commence en 1949. Elle à 13 ans et vit avec sa mère Maureen, son père Sean, rendu invalide par un terrible accident du travail, et son frère aîné Shane à Albuquerque. Sean ne peut plus travailler, aussi est-ce Maureen qui fait bouillir la marmite en s'occupant de personnes âgées. Un emploi qu'elle a obtenu de haute lutte, n'hésitant pas à tricher un peu sur ses compétences en espagnol et à faire pression sur le maire. On l'a compris, Maureen n'est pas femme à se laisser marcher sur les pieds.

Parmi ses clients, un certain LeRoy Parker, chez qui elle va une fois par semaine. Quatre-vingt-dix ans au compteur, l'homme vit avec son chien Chico dans une petite maison d'adobe en limite de la ville. Ce vieux solitaire un brin misanthrope finit par accepter la présence de Maureen, et même par l'apprécier. A tel point qu'une fois par mois, elle le conduit à la banque et déjeune avec lui au restaurant, ce qui ne fait pas vraiment partie de sa mission. La conversation tourne autour de banalités : M. Parker n'est pas du genre bavard, Maureen non plus, c'est sans doute pour cela qu'ils s'entendent bien... Jusqu'au jour où M. Parker n'est pas comme d'habitude : visiblement, il est en rogne... D'ailleurs, en arrivant, Maureen le trouve sur le pas de sa porte, ce qui n'arrive jamais. LeRoy Parker vient d'écouter la radio : un certain Brushy Bill Roberts prétend être Billy le Kid. Ce fameux bandit dont l'histoire officielle rapporte qu'il aurait été abattu par le sheriff Pat Garrett en juillet 1881à Fort Sumner, à l'âge probable de 22 ans. Nous sommes en 1949, il aurait donc 90 ans. Pourquoi cette nouvelle met-elle en rage LeRoy Parker ? Parce que, selon lui, Billy le Kid, c'est lui, et certainement pas ce freluquet de Brushy Bill Roberts... LeRoy Parker, alias Billy le Kid, en cavale depuis la date de sa prétendûment mort. Ça énerve, on comprend.

Billy le Kid, Doc Holliday, Jesse James et Charlie Bowdre à Las Vegas en 1879
(photo Wikimedia Commons, domaine public)
Maureen McLaughlin n'y connaît pas grand-chose à l'histoire des Etats-Unis : elle est d'origine irlandaise, et ne s'est jamais penchée sur le passé de son pays d'adoption. Bientôt, l'affaire personnelle de LeRoy Parker va devenir une véritable histoire de famille. Il accepte de venir déjeuner chez les McLaughlin, et renonce très vite à son mutisme habituel pour raconter à toute la famille ébahie l'histoire de sa vie. Ce qui a pour effet de métamorphoser la famille McLaughlin : tous, y compris Sean, le père à tendance dépressive depuis son accident, se prennent de passion pour l'histoire incroyable de ce vieillard, grand-père inespéré... On écume les rayons de la bibliothèque locale, on passe ses soirées à lire, à noter, à discuter : bref, on redevient une vraie famille. LeRoy Parker devient un habitué de la table familiale, et la vie de tous s'en trouve magnifiée.

Avec ce drôle de roman et son impeccable sens de la narration, Luc Baranger réussit sur de multiples tableaux : nous raconter la vie d'un Billy le Kid devenu nonagénaire, retracer l'histoire de cette époque épique, et raconter la renaissance d'une famille blessée qui retrouve, grâce à ce vieil homme, une unité et une passion durables. Quant au très vieux Billy le Kid, après une très longue vie solitaire, il terminera sa vie entouré et, en quelque sorte, réhabilité. Joli coup !

Luc Baranger, L'Extravagant Monsieur Parker, La Manufacture de livres


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