En 2019, nous découvrions avec enthousiasme Le Quaker de Liam McIlvanney et son enquêteur l'inspecteur McCormack, confronté à un serial killer et surtout à une ville en pleine déréliction, Glasgow (voir la chronique ici ). Nous étions en 1969. Avec Retour de flamme, qui se déroule en 1975, on retrouve un Duncan McCormack de retour à Glasgow après avoir passé quelques années à Londres, histoire de se changer les idées et surtout de tenter d'oublier l'affaire du Quaker et ses répercussions publiques et privées. Le roman s'ouvre avec une scène courte mais marquante, digne d'une tragédie : une femme et sa fille piégées dans un appartement en flammes d'un quartier pauvre de la ville.
Et il se poursuit avec l'itinéraire de jogging de Duncan McCormack, dont le point le plus impressionnant est Gardner Street, "la rue la plus pentue de Glasgow". McCormack n'a même pas le temps de prendre une douche qu'il est alpagué devant chez lui par l'inspectrice Nicol. Un homme a été tué, on l'a trouvé dans une arrière-cour qui a tout d'un dépôt d'ordures. Battu à mort et vêtu d'un bleu de travail qui, visiblement, ne lui appartient pas. Voilà McCormack à pied d'œuvre : et on ne peut pas dire que les choses s'annoncent bien. Pour commencer, les flics de Glasgow ont la rancune tenace : ils n'ont pas oublié que dans l'affaire du Quaker, McCormack a révélé la culpabilité d'un gradé de la police : "On ne balance pas ses collègues!", lui rétorque Haddow, son responsable. Ambiance.
Gardner Street à Glasgow - Photo (c) David Baxendale - www.david baxendale.com |
Glasgow est en passe de tomber entre les griffes de Wattie Maitland, le gros bonnet de la pègre glasvégienne. L'ennemi juré de McCormack, à qui on demande de mettre la pédale douce. Maitland, on laisse tomber, on a autre chose à faire. Inutile de dire que McCormack ne l'entend pas de cette oreille… Encore une belle occasion de se faire des amis. Pour l'heure, l'urgence est d'identifier la victime : car contrairement à ce que lieu du crime pourrait laisser entendre, l'homme n'est pas un clodo sans importance… Gavin Elliott était député conservateur. Et il avait plusieurs cordes à son arc. Au choix : marchand de sommeil, restaurateur, homme d'affaires. L'homme a été menotté pendant 4 ou 5 jours, on l'a laissé mariner dans ses propres excréments. Le Record titre "Un éléphant du parti Tory torturé et assassiné". Et si Wattie Maitland était mêlé à cette barbarie? Quand on s'appelle Duncan McCormack, c'est évidemment la première question qu'on se pose. Dans l'immédiat, McCormack n'aura pas le loisir de se pencher sur la question : un attentat à la bombe vient souffler le Barracks Bar, un pub irlandais, faisant de nombreuses victimes dans tout le quartier, dont un homme de McCormack et... le frère de Maitland. Décidément. Bientôt l'IRA est dans le collimateur. Pour McCormack, ça ne tient pas debout. Obsessionnel, Mc Cormack ? Non, obstiné et clairvoyant.
Retour de flamme est un roman foisonnant : Liam McIlvanney nous offre une construction sophistiquée, des intrigues parallèles ou convergentes, et une peinture au couteau d'une ville en souffrance, tiraillée entre la pauvreté des uns et la corruption des autres, proie convoitée par des mafieux sans scrupules. La géographie de la ville, ses quartiers contrastés entre taudis et maisons bourgeoises, fait l'objet d'une attention toute particulière de l'auteur, qui sait mêler topographie et sociologie et donner de Glasgow dans les années 70 une vision à la fois panoramique et fouillée. Son écriture précise, ses dialogues émaillés d'une ironie acide et d'un réalisme efficace, sa façon d'évoquer avec tendresse et pudeur l'homosexualité de McCormack et sa sensibilité, son sens de l'intrigue et de la narration sont autant d'atouts qui font de Retour de flamme un roman aussi passionnant qu'exigeant. Les amateurs de "tartan noir" penseront bien sûr à Alan Parks, dont les romans se déroulent eux aussi dans le Glasgow des 70s. Ils noteront que McIlvanney conduit son enquêteur dans le bureau d'un autre policier, nommé McCoy, comme l'enquêteur de Parks, qui est également cité dans les remerciements. Deux auteurs pour une ville : Glasgow les mérite largement, et les deux auteurs, chacun à leur manière et à leur rythme, lui donnent un lustre qui lui manquait depuis que la grande Denise Mina a choisi d'autres explorations.
Liam McIlvanney, Retour de flamme, traduit par David Fauquemberg, Métailié noir
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