4 septembre 2024

Stéphane Grangier, "Tour mort" : cavale fatale entre Rennes et Belle-Ile

Stéphane Grangier nous a habitués dans ses précédents romans (Hollywood Plomodiern et Fioul, tous deux parus chez Goater noir) à des histoires de paumés, de dérives plus ou moins dangereuses, de violences personnelles ou quasiment institutionnelles. C'est un peu sa marque de fabrique : avec Tour mort, il nous embarque aux basques d'un trio masculin qui voudrait bien s'affranchir de la prison à laquelle sa condition sociale le condamne. Et si on braquait une banque ? Carrément. Le trio en question est constitué de trois hommes : Christian, dit DJBadChristi, le chef de la bande, celui qui pense, son vieux copain Yves, un rageux au sang chaud, et puis le jeune Ahmed, pas bavard, qui se cherche un mentor et croit le trouver alternativement chez l'un et chez l'autre. Pas des professionnels du braquage, loin de là… 

Ce qui devait arriver arrive : le braquage foire lamentablement, et les trois as ne trouvent rien mieux en guise de refuge que la Maison de la poésie de Rennes. Choc des cultures… Là-bas, l'équipe est constituée de quatre personnages à peu près aussi invraisemblables qu'eux. Solène, animatrice, chargée de l'accueil, souffre-douleur d'une cheffe, Eliane, véritable caricature de ces gens à qui on a donné un certain pouvoir et qui en abusent allègrement, Alain, banquier à la retraite converti à la poésie et bénévole dévoué, et Ramon, réfugié politique plus en moins "en résidence" à la Maison de la poésie. Où doit se tenir un colloque sur les littératures de l'est. Et où les trois compères vont être accueillis comme les amoureux de poésie qu'ils ne sont absolument pas. Après tout, le lieu est douillet, agréable, on leur offre à boire : ça va leur laisser le temps de s'organiser. Ils jouent le jeu tellement bien qu'on finit par leur proposer un atelier de haiku. Comment refuser, c'est si gentiment demandé? N'empêche, il va bien falloir sortir de là. La bonne ville de Rennes a lancé à leurs trousses à peu près tout ce qu'elle compte de forces de police, le reste étant mobilisé pour maîtriser une bronca du côté des gens du voyage. 

Franck-fnba, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons - Pointe des Poulains à Sauzon au nord de Belle-Ile 

Si vous avez lu le titre, vous savez déjà que la joyeuse bande va se retrouver à Belle-Ile, et pas pour des vacances de luxe. Pourquoi choisir ce havre de paix, comment y parvenir ? Des personnages tour à tour désenchantés et révoltés, des rapports humains aussi complexes que dans la vraie vie, un regard pas franchement optimiste sur le monde où nous vivons et une vraie tendresse pour des protagonistes à peu près tous aussi paumés les uns que les autres - avec un personnage qui sert de charnière fragile entre le monde des gens établis et celui des déclassés, montrant qu'il n'y a parfois qu'un pas à franchir pour changer de camp… Tout comme il n'y a qu'un fil ténu entre la vie et la mort. Entre polar et western au sens géographique du terme, Tour mort fait preuve à la fois d'un sens de l'action réjouissant et d'une humanité mise à mal par un monde sans pitié, et ancre son histoire dans un contexte social et politique particulièrement bien campé. 

Stéphane Grangier, Tour mort, Goater noir

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles récents