Voilà, Ian Rankin a osé… Sa 25e enquête, c'est de la prison que John Rebus la mènera. Dans le roman précédent, Un cimetière dans le cœur (voir chronique ici ), Ian Rankin avait expédié John Rebus au tribunal, au banc des accusés, soupçonné du meurtre de Big Ger Cafferty, et le livre se terminait par un grand point d'interrogation. Voilà la réponse : dans Minuit à l'ombre, Rebus est bel et bien enfermé à la prison de Saughton à Edimbourg depuis trois mois, son avocat a fait appel. Le plus étonnant, c'est que ça ne paraît pas l'avoir affecté tant que ça… Il est encore à l'isolement, mais la direction de la prison a l'intention de le réintégrer au reste de la population carcérale. Où il va retrouver bon nombre de ceux qu'il a contribué à faire mettre à l'ombre. Ca va lui changer les idées, ça va aussi le mettre en danger. Mais finalement John Rebus est étonnamment solide, malgré son grand âge et sa santé fragile. Et l'atmosphère de la prison semble plus angoissante pour le lecteur que pour lui ! Le voilà dans son élément : un environnement où sont concentrés tous les maux qu'il a passé sa vie à combattre, finalement. Dans sa petite cellule, il a à portée de main les livres qu'il s'est promis de lire, des photos de sa fille et de sa petite-fille, une télé et même un téléphone fixés au mur. Ne manque que la musique. Bien sûr, le téléphone n'est utilisable que sur réservation et après paiement, et les appels sont écoutés. Une version plutôt confortable de l'enfer, en quelque sorte. Mais ça ne va pas durer.
Un des prisonniers, le petit malfrat Jackie Simpson, est retrouvé poignardé dans la cellule qu'il partageait avec son "collègue", Mark Jamieson. Pas une trace, pas l'ombre d'une arme, le voisin de cellule n'a rien vu rien entendu : un mystère de chambre close. Et les mystères, on n'aime pas trop ça dans les prisons. La tentation est forte de solliciter les talents de John Rebus… qui ne va pas se faire prier, mais qui va être confronté à une drôle de situation puisque son vieil ennemi Darryl Christie, qui a fini par se faire coincer, se pose en protecteur. Avec un ami comme ça, on n'a pas besoin d'ennemi…
Pendant ce temps-là, dans la bonne ville d'Edimbourg, l'amie Siobhan s'efforce de venir à bout d'une enquête sur la disparition de la jeune Jasmine Andrews, flanquée d'un nouveau partenaire insupportable, Cameron Colson. Quant à Malcolm Fox, de plus en plus détestable, il ronge son frein au Scottish Crime Campus de Gartcosh, d'où on voit les choses de haut, en principe. Cette affaire de meurtre à Saughton, ça n'arrange pas ses affaires qui ne sont déjà pas au beau fixe.
[Petit aparté : drôle de destin que celui du personnage de Malcolm Fox qui a bien failli devenir le nouveau héros de Ian Rankin, le temps de deux romans parus en 2012 et 2013, Plaintes et Les guetteurs. Au fil des romans suivants, on voit ce personnage au caractère insaisissable basculer du côté noir. Dans Minuit à l'ombre, il touche le fond, semble-t-il. Même si le pire n'est jamais sûr…]
![]() |
La prison de Saughton - Richard Webb / HMP Saughton |
C'est Christine Esson qui va prendre en charge l'enquête à la prison. Et puis survient le meurtre d'un ancien footballeur… En apparence, les événements ne sont pas liés. En réalité, ce que vont découvrir les enquêteurs - Esson, Clarke et Rebus, de sa prison - va jeter une lumière très troublante sur les secrets d'Edimbourg. Corruption, flics pourris, fonctionnaires pas très fiables, pédocriminalité : Ian Rankin ne nous épargne rien. Il réussit encore une fois son affaire et mène de front de multiples intrigues parfaitement maîtrisées. Et s'il arrive qu'il nous manque les déambulations de Rebus dans sa ville d'Edimbourg, il confie le rôle de l'observateur de la cité à Siobhan ou Christine, laissant Rebus à l'exploration de ses souvenirs, des pistes qu'il remonte avec intelligence, aux risques physiques qu'il prend en prison, à ses intuitions fulgurantes et aux décisions audacieuses qui font de lui l'inimitable et unique enquêteur d'Edimbourg. Quant à la suite… La fin du roman laisse planer le suspense. Il y a deux ans, Ian Rankin me disait qu'il n'avait plus de contrat, donc plus de contraintes, et qu'il n'avait aucune idée de ce qui allait se passer par la suite. Aujourd'hui, il y a fort à parier qu'il dirait à peu près la même chose!
Ian Rankin, Minuit à l'ombre, traduit par Fabienne Gondrand, Le Masque
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire