4 mai 2013

"Têtes de maures", de Didier Daeninckx, les dessous de la Corse

1931. La République française incarnée par un certain Pierre Laval, président du Conseil, dépêche en Corse un corps expéditionnaire de 500 gendarmes pour éliminer les bandits qui y font des ravages. Le 28 mai 1933, André Spada, dit "Le Sanglier", l'un des derniers "bandits" corses, est éliminé. En 1934, officiellement, le maquis est "nettoyé". On connaît (plus ou moins) la suite.
2012. Melvin Dahmani, jeune escroc du net parisien, vit avec son amie Noémie à Paris, rue des Vinaigriers. Et ça ne se passe pas très bien entre eux, à tel point qu'il se prend une chambre à l'Ibis le plus proche. Seul, il a le temps de penser à sa fille, la petite Anissa, qu'il ne voit pas assez à son goût. Et aussi d'ouvrir son courrier. Une enveloppe bordée de noir, arrivée de Corse, lui fait part du décès d'une certaine Lysia Dalersa.

Melvin a passé des vacances en Corse, plus de dix ans auparavant, mais ce nom ne lui dit rien. Son unique souvenir de vacances, c'est celui d'Elise Corto-Bello, une jeune femme avec laquelle il a noué une histoire d'amour aussi passionnée qu'éphémère. Celle qu'il appelait Elise était Lysia, et elle est morte, à 32 ans, suicidée, noyée au large de son île natale. Melvin part pour la Corse, il sera à l'enterrement. Il n'imagine pas encore dans quelle histoire il s'embarque. Lui, petit malfrat parisien d'origine tunisienne, va se retrouver plongé tout de suite dans la violence qui secoue l'île de Beauté, et irrésistiblement entraîné dans une enquête qui va le conduire jusqu'aux années 30, et le forcer à remonter le courant de ces torrents de violence et de vengeance qui ont abouti à la mort de Lysia.
Didier Daeninckx nous a habitués à ces romans où se mélangent réalité historique et fiction, il est devenu virtuose en la matière. Et sa virtuosité réside aussi en une capacité, mine de rien, à nous apprendre notre histoire. Là encore, il fait resurgir du passé une période, les années 30, et un événement, l'expédition des 500 gendarmes en Corse, que nous sommes sans aucun doute peu à connaître, surtout si nous ne sommes pas d'origine corse. Là-bas, en revanche, la mémoire est longue, longue... et violente. Chaque chapitre du roman s'ouvre sur un article authentique tiré de la presse corse et daté de juin 2012, relatant une mort violente. Et le livre se termine par des extraits de la presse corse, encore, relatant des faits divers réels, mais aussi des événements fictifs liés à l'histoire du roman. Car après la fin du livre, la mort continue.
Lu d'une traite, Têtes de maures fait une fois de plus la preuve du talent de Didier Daeninckx pour "harponner" son lecteur par le biais de personnages auxquels on s'intéresse tout de suite. Et pour l'amener, tout naturellement, à se pencher à la fois sur une histoire peu connue et sur une actualité sur laquelle le roman jette un éclairage passionnant. Très noir, Têtes de maures a aussi le mérite d'une lucidité implacable et d'un ancrage fort dans la réalité corse d'hier et d'aujourd'hui.
Didier Daeninckx, Têtes de maures, éditions de l'Archipel

2 commentaires:

  1. J'ai aussi lu d'une traite et j'ai beaucoup apprcié ce thriller très instructif.

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  2. Excellent roman qui relie bien le présent et le passé.
    La véritable histoire de l'agression de Guagno-les-Bains est racontée ici:
    http://poggiolo.over-blog.fr/article-mauvaise-pub-pour-guagno-les-bains-n-1-u-69696136.html
    et, sur le même blog, 35 articles sont consacrés à cette expédition de 1931 à l'adresse:
    http://poggiolo.over-blog.fr/tag/L'épuration%20du%20maquis/

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