18 mai 2014

Alper Canigüz, L'assassinat d'Hicabi Bey : quand le détective a 5 ans, ça surprend, mais ça marche...

Le roman commence ainsi : "A cinq ans, on est au cœur de l'âge mûr. Ensuite commence la chute." Voilà la vision qu'a de la vie le jeune Alper Kamu (sic), cinq ans, petit bonhomme bien soulagé de ne plus avoir à aller à la maternelle. La maternelle, quelle idée... Alper a fait tout ce qu'il fallait pour échapper à ce lieu indigne de sa maturité et de son intelligence. Il lui a fallu simuler la grosse colère à plusieurs reprises pour que ses parents s'aperçoivent, enfin, qu'il n'avait rien à faire là. Vous l'avez compris,  le jeune Alper n'est pas un bambin comme les autres. A vrai dire, il est même un peu agaçant avec son air de ne pas y toucher, son aplomb permanent et ses airs supérieurs. La littérature ? Il y connaît un rayon . La musique aussi. Et il a des idées bien arrêtées. Le jeune Alper vit à Istanbul, "chez" ses parents en quelque sorte. Sauf que là, il y a un problème : on veut muter son père en province. Et ça, pour Alper, c'est hors de question. Ce sera Istanbul ou rien. Enfin, cerise sur le gâteau, Alper est amoureux. De la jolie Alev Abla, sa voisine d'en face, une charmante étudiante de 20 ans qui, de temps à autre, lui lit Blanche Neige. Blanche Neige... faut-il qu'il soit amoureux, Alper, pour supporter de telles niaiseries.
Le plus curieux dans cette histoire, c'est que finalement, on avale très vite la couleuvre : Alper est un sacré bonhomme et au bout de quelques pages, on en oublie presque qu'il a 5 ans. Son but dans la vie : sauver le monde. Et cela passera par une vocation de détective, qu'il a bientôt l'occasion de mettre en pratique avec l'assassinat de Hicabi Bey, ancien flic légèrement dépressif, qu'on retrouve mort en compagnie de l'idiot du quartier, bien commode pour la police d'Istanbul qui n'a pas trop envie de se fatiguer.
Voilà Alper lancé sur les traces du véritable assassin, son pistolet en plastique à la main. Alper prend des risques, se mêle de beaucoup trop près à des affaires d'adulte, séduit, se fait séduire. Il est gonflé, drôle, malin comme un singe. Il se fait détester ou adorer, tombe sur un indice décisif sans même le faire exprès. Bref, il enquête dans une métropole incroyablement séduisante, dangereuse, peuplée d'êtres improbables et pas toujours bien intentionnés. Il explore des quartiers secrets, pénètre dans des lieux interdits, se mesure avec les hommes de pouvoir, et, la plupart du temps, s'en sort avec les honneurs. Et puis, un peu avant la fin, l'auteur décide de nous dévoiler son secret dans un chapitre judicieusement appelé "Ainsi hallucinait Zarathoustra". Et là, on hésite, car ces quelques pages sont ambiguës : fallait-il vraiment rompre le charme sous lequel nous tenait Alper? Fallait-il justifier par ce chapitre "explicatif" le plaisir que nous, lecteurs, avons pris à son récit ? Pas sûr...    

Alper Canigüz, L'assassinat d'Hicabi Bey, traduit du turc par Célin Vuraler, Mirobole éditions

2 commentaires:

  1. Argh ! Il me faisait bien envie, celui-là, mais la petite réserve finale, plus que le côté improbable d'un enquêteur âgé de cinq ans (au contraire, ça peut donner tout son charme décalé au roman), me laisse songeur...

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  2. C'est vraiment une toute petite réserve... Le livre a effectivement beaucoup de charme.

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