7 avril 2019

Joseph Knox : l'interview en roue libre à Quais du polar 2019

Joseph Knox - photo Maryan Harrington
Quais du polar 2019 ! Passage éclair cette année, suffisant néanmoins pour apprécier le succès incroyable du festival lyonnais (plus de 100 000 visiteurs en trois jours), et les deux prix décernés à Frédéric Paulin pour La guerre est une ruse (Prix des Lecteurs Quais du Polar / 20 Minutes) publié chez Agullo et à Tim Willocks pour La mort selon Turner (Prix Le Point du polar européen) publié chez Sonatine. Près de 140 auteurs invités, plus de 40 000 livres vendus, un "focus" sur le polar nordique, des tables rondes à foison, que vous pourrez retrouver en replay sur le site de Quais du Polar

Et puis l'occasion de rencontrer Joseph Knox, l'auteur de Sirènes (voir chronique ici), une de mes plus précieuses découvertes 2018. Merci à lui d'avoir joué le jeu de l'interview en roue libre, merci pour sa spontanéité et le temps qu'il m'a généreusement accordé. Une interview à l'issue de laquelle vous n'aurez qu'une envie : découvrir Sirènes si ce n'est pas encore fait, et attendre avec impatience son deuxième roman, à paraître en septembre au Masque.

La première fois que je vous ai entendu parler, c'était au festival de Harrogate, dans le cadre de la traditionnelle table ronde "Young Blood" parrainée par Val McDermid. Quel souvenir en gardez-vous ?
Je me rappelle très bien! Harrogate, c'est très étrange pour moi. Je dois dire que Val McDermid et Ian Rankin font partie des personnes qui m'ont beaucoup soutenu, je leur en suis très reconnaissant. J'étais libraire à l'époque. Je viens d'un milieu très modeste, et je passais ma vie à essayer de m'approcher du monde de la littérature, ce qui était impensable vu le contexte social dans lequel je vivais. Le meilleur moyen que j'ai trouvé à l'époque, c'était de travailler en tant que libraire!

Comment vous êtes-vous retrouvé libraire ?
Je travaillais dans des bars et des clubs à Manchester. L'un d'entre eux, un vrai trou à rats où il y avait des dealers, des types qui exploitaient les filles, m'a d'ailleurs inspiré Sirènes. J'avais toujours voulu écrire, mais je ne savais pas quelle direction prendre. Quand j'étais très jeune, j'avais des problèmes de comportement, j'étais insomniaque. Et mes parents se sont rendu compte que s'ils me donnaient des livres, les choses s'arrangeaient. J'ai donc commencé à lire et à écrire la nuit, entre minuit et six heures du matin, mais c'était des trucs de gamin, des idioties... Ceci dit, ça m'aidé à comprendre ce que c'était que d'être écrivain. Mais je ne savais toujours pas dans quelle direction aller. Je lisais beaucoup, mais je n'avais pas encore choisi mon "genre" de prédilection. 

Et je me suis fait larguer par ma petite amie... Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là ? Pour moi, ça a été le cinéma. J'ai vu Casablanca, je suis tombé amoureux de ce film, et j'ai commencé à m'intéresser à Humphrey Bogart. J'ai donc vu Le Grand sommeil, et j'ai remarqué que ce film était basé sur un roman. Il fallait que je lise ce roman ! Il fallait que je lise tous les romans de Chandler, et c'est ce que j'ai fait, les uns à la suite des autres. Cette expérience-là a constitué mon ticket d'entrée vers le polar et le roman noir.  J'étais très jeune à l'époque, je travaillais dans ces bars de Manchester. Et j'ai réalisé que mon univers d'écrivain, c'était ça. Je commençais à travailler à minuit, jusqu'à 4 ou 5 heures du matin. Et je commençais ma journée à la librairie à 6 heures... C'était fascinant de voir la transformation de cette ville pendant la nuit. Manchester devenait complètement différente... En marchant dans les rues, j'avais l'impression de les comprendre.

C'était dans les années 2010 ?
Oui, 2009-2010. J'étais fasciné par la dualité de la ville, sa capacité à changer complètement entre le jour et la nuit. L'étincelle qui a donné naissance à Sirènes s'est produite pendant une fête à laquelle j'assistais : des jeunes, de la drogue, tout le monde s'amusait, s'embrassait, sauf moi; j'étais assis dans un coin, je faisais ce que fait tout romancier : observer, écouter, regarder, mémoriser... Et cette fête m'a fait tout de suite penser à Gatsby le Magnifique, le roman que justement j'étais en train de lire à l'époque. C'est là que j'ai commencé à construire mon histoire : associer le noir à la Chandler, Manchester, les fêtes à la Gastby, mais à notre époque, avec la drogue, l'alcool et le reste...  Cette fête, personne ne savait vraiment chez qui elle se déroulait ! J'ai commencé à creuser ce monde que je venais de construire. 

Je suis toujours comme ça, je creuse, jusqu'au bout. Quand j'ai commencé à lire Chandler, j'ai lu tout Chandler. Puis j'ai voulu  aller plus loin, lire tous ceux qui l'avaient influencé, savoir qui il détestait, qui il aimait. Tracer mon chemin, de l'intérieur. C'est ainsi que j'ai commencé à travailler dans une librairie. Je commençais à six heures du matin. Mais je continuais à travailler dans les bars et les clubs, car il fallait bien payer le loyer. Donc je me suis mis à mener une vie totalement déréglée, à bosser quinze ou vingt heures par jour, pratiquement sans dormir. Quand on me demandait de rester plus longtemps, je ne disais jamais non ! Et j'ai su tout de suite que les livres, c'était mon univers. Pour la première fois de ma vie, j'avais l'impression d'être à ma place. C'était si important : on commence par lire les livres qui sont sur les tables, puis on passe à ceux qui sont en rayonnages. C'est comme ça que j'ai exploré Chandler, d'ailleurs.

Entre Chandler et Hammett, où va votre préférence ?

Quand j'étais plus jeune, c'était Chandler. Maintenant, j'ai un penchant pour Hammett. C'est James Ellroy qui disait : "Chandler écrivait ce qu'il aurait voulu être, Hammett écrivait sur ce qu'il craignait de devenir." Très bien vu... J'essaie de me situer au milieu...
Pour en revenir à Harrogate : à l'époque, j'essayais d'accéder à ce monde de l'édition qui m'était complètement inconnu.  Je participais à des concours de nouvelles, et l'un des prix de ces concours, c'était une invitation à Harrogate. J'étais tellement fauché, je n'aurais jamais pu y aller sans ça! J'ai donc gagné ce prix, et je me suis retrouvé là-bas, c'était cinq ou six ans avant que je ne sois invité en tant qu'auteur, l'année où vous m'avez vu.

Ça a dû être un moment impressionnant : c'est un petit monde très fermé, après tout...

Oui, je me baladais partout, je ne connaissais personne et bien sûr personne ne me connaissait, personne ne faisait attention à moi... C'était difficile. Je me rappelle qu'un samedi soir, j'étais assis dans un escalier car je ne suis pas très doué pour m'intégrer dans ce genre de fête. Une dame est passée près de moi et m'a dit : "Mais qu'est-ce que vous faites là, vous avez l'air si triste !"  Je me rappelle toujours ce moment à chaque fois que retourne à Harrogate, maintenant ça me fait rire, mais à l'époque c'était moins drôle. Pour moi, c'était tellement bizarre... Depuis, je me suis toujours arrangé pour y retourner, en tant que libraire ou que bénévole, ou en faisant des économies toute l'année pour me payer le séjour. Donc au moment où je suis monté sur scène pour la première fois, j'avais l'impression de connaître déjà les coulisses de ce monde-là, contrairement à certains autres jeunes auteurs. Il m'a fallu six années de petits pas pour en arriver là. Pour moi, c'était incroyable : il y avait tant de grands noms qui défilaient à Harrogate...

Donc cette première fois, vous présentiez Sirènes, votre tout premier roman. Quand je l'ai lu, j'ai trouvé que vous faisiez preuve d'une maîtrise incroyable.
Ça me fait plaisir, vraiment. Même si je pense que le deuxième est bien meilleur ! Le premier, j'ai la sensation que c'était du pur instinct. Je l'adore parce qu'il a changé ma vie, mais je pense que pour le deuxième, je contrôle mieux les choses. Quand je regarde Sirènes, j'ai du mal à croire que je l'ai écrit dans les conditions qui étaient celles de ma vie à l'époque...

Dites-moi, cette nouvelle qui vous a valu le prix à Harrogate, elle parlait de quoi ? 
Ah ! A l'époque, j'écrivais des histoires centrées sur un petit garçon et une petite fille dont la maman souffrait de troubles mentaux. En réalité, je préparais mon personnage d'Aidan, son histoire familiale et personnelle. A chaque fois que je présentais une nouvelle à un concours, quel que soit le thème, mes personnages étaient les mêmes, avec des intrigues différentes.

C'est sans doute pour cela que le personnage d'Aidan est si construit.
Aucune de ces histoires n'a jamais été publiée, et l'élaboration du personnage a, de fait, été très longue ! 

Qu'est-ce qui a été le plus difficile à construire, le personnage ou l'intrigue ?
 
J'ai une particularité : je ne fais pas de "première version".  Pour moi Sirènes ne serait pas terminé tant que je n'aurai pas écrit la dernière scène. Sirènes doit compter à peu près 20 000 mots. J'écris très lentement, je serais sûrement capable d'écrire avec mon propre sang, tout en restant en vie! Alors j'ai passé deux ans à réécrire ces 20 000 mots. L'intrigue en elle-même n'a probablement pas beaucoup changé, mais j'ai réécrit encore et encore pour retravailler le flux des mots, approfondir mes personnages... Dans certains polars, l'intrigue occupe toute la place, et il n'y a pas d'atmosphère. Je comprends pourquoi ces auteurs évitent l'atmosphère : certains lecteurs n'y sont pas sensibles. Mais pour moi, c'est essentiel : cela doit permettre d'entrer dans un monde.

J'ai eu la sensation que
Sirènes était construit en couches de plus en plus sombres...
En fait, plus je réécrivais, plus le texte devenait complexe, plus j'allais loin, profond. Et je ne me suis arrêté que quand j'avais la sensation de ne pas pouvoir aller plus loin. C'est toujours la même chose: je viens de terminer mon troisième roman et je suis arrivé à la fin juste la veille du jour où je l'ai envoyé à l'éditeur. Pour beaucoup d'autres auteurs, il y a une première version, une réécriture, un travail d'édition, puis une deuxième version. Au moins, ils tiennent leur histoire ! Pour moi, ça ne fonctionne pas comme ça. Je m'attache tellement au ton, à l'atmosphère, que je ne lâche pas avant d'avoir atteint mon but. Pour mon troisième roman, je me suis trouvé bloqué pendant des mois... A ce moment-là, ma compagne m'a dit qu'il fallait y aller, car le temps commençait à presser...

Justement, est-ce que quelqu'un lit votre travail avant qu'il ne parte chez l'éditeur ?
Oui, ma compagne. Elle est allemande, et elle n'y va pas par quatre chemins. Si elle a quelque chose à dire, elle y va ! Et ça m'aide beaucoup, même si c'est un peu dur parfois. C'est très important, surtout quand on commence à écrire : à ce stade-là, c'est vraiment difficile de trouver quelqu'un qui soit capable de vous dire ce qui ne va pas. A l'époque, si d'aventure je montrais des textes à mes amis, ils me disaient toujours : "Oui, c'est très bien." Ma compagne, elle, est d'une franchise redoutable, et elle est restée très honnête. Et j'ai beau savoir que ses remarques sont faites pour améliorer le texte, ça n'en reste pas moins difficile à entendre ! Aujourd'hui, quand je lis un roman, je crois bien que je suis capable de deviner si l'auteur a auprès de lui ce type de personne. C'est très précieux. J'ai un ami dont l'éditeur retravaille systématiquement les textes pour les rendre plus "aimables"... Cela me perturberait vraiment ! Mais lui, cela lui convient. Moi, si on change une virgule, je veux savoir qui est le coupable ! Je corrige jusqu'au jour où le livre part à l'impression : chez l'éditeur et l'imprimeur, on me déteste, on lève les yeux au ciel dès qu'on entend mon nom... Mais je pense que c'est pour la bonne cause. J'ai rendu mon troisième roman fin 2018. Depuis, j'ai beaucoup voyagé pendant trois mois, fait la promotion du livre précédent, changé de paysage, vu des choses différentes. Cela faisait 10 ans que je promettais des vacances à ma compagne. Cette fois, nous sommes vraiment partis. Mais je savais, au fond de moi, que je n'arrivais pas à laisser partir ce troisième livre
.
Vous savez pourquoi ça a été si difficile?
Sans doute parce que ce troisième livre est plus ambitieux. C'est pour cela que j'y ai retravaillé pendant un mois de plus, et je pense que ça a tout changé. Pourtant, mon éditeur était satisfait par le texte que je lui avais rendu. Mais je sentais que j'avais besoin de ce mois pour retravailler. Pour moi, c'est le meilleur roman des trois de la série, et je suis sûr que c'est à cause de ce mois de travail supplémentaire. Il aurait pourtant été plus facile de laisser aller!

Est-ce que c'est lié au fait que vous avez créé un personnage récurrent, que vous devez faire évoluer, vieillir, mûrir ?
Oui, peut-être... En fait, tout dépend de la série : avec Jack Reacher*, par exemple, je suis sûr que les lecteurs n'ont pas envie de le voir vieillir ! Ce n'est pas ce que je veux pour Aidan. Je savais que je voulais démarrer avec un Aidan Waits dont certains aspects resteraient dans le flou. Il a déjà beaucoup de caractéristiques néanmoins : il est froid, réservé, isolé, ce qui me permet, dans le deuxième roman, de le "réchauffer" un peu. Pour le meilleur ou pour le pire ! Dans ce deuxième roman, il a une compagne, et certains lecteurs déclarent maintenant que c'est leur personnage préféré... Dans le premier, il y avait ce personnage du Virus, que tout le monde adore. On m'a demandé ce qu'il allait devenir dans le deuxième roman. Eh bien il n'y est pas, précisément parce que tout le monde l'adore et que je n'ai pas envie qu'il rejoue le même rôle. Dès qu'un personnage devient trop attachant, je le supprime. Donc dans le troisième roman, Aidan a une compagne, mais ça n'est pas la même que dans le deuxième. Et ce n'est pas une volonté : c'est juste que l'histoire l'impose. Quand les trois livres seront lus ensemble, j'espère qu'ils raconteront une histoire beaucoup plus ambitieuse que chacun d'entre eux lus séparément. En tout cas, c'est ce que je m'efforce de faire.

Si je comprends bien, le deuxième roman va nous en apprendre davantage sur l'histoire personnelle d'Aidan ?
Oui, et vous allez voir, je n'y vais pas de main morte... Quant au troisième, j'aborde un nouveau territoire. Et à la fin, vous n'imaginez pas ce qui va se passer après. Moi non plus d'ailleurs!

Trois livres avec Aidan, le cycle est bouclé ou pas ?

Honnêtement, je ne sais pas. Quand j'ai signé mon contrat, fin 2016, c'était pour trois livres. Mon agent m'a demandé si j'avais une idée de ce que seraient les deux suivants. A ce moment-là, oui, je savais à peu près où je voulais aller. Le deuxième commence avec un homme qui a perdu son identité: on le retrouve mort, il n'a plus d'empreintes, plus de dents,... Et cela fascine Aidan, qui est lui-même confronté à un problème d'identité. Pour le troisième, je voulais explorer l'idée de la culpabilité autour d'une affaire "non classée". Le livre tourne autour de la confession d'un meurtrier sur son lit de mort. Bien sûr, je ne connaissais pas les détails, mais je savais sur quels thèmes je voulais travailler. 

Je suis quelqu'un d'assez obsessionnel : je suis capable de travailler quinze ou vingt heures par jour, sept jours par semaine. Et dans une certaine mesure, j'en paie le prix. Pour le deuxième et le troisième livres, j'ai souffert de maux de tête pendant des mois, tellement j'étais épuisé. J'avais toujours rêvé du moment où j'allais terminer le troisième livre.. Alors, quand mon éditeur anglais m'a demandé, au moment où j'écrivais le deuxième, de resigner pour trois livres, j'ai dit non. Je voulais en finir avec ces trois-là, avoir vraiment une sensation de fin. M'asseoir, réfléchir à la suite, à la meilleure solution. Parfois, pour une série, la meilleure solution est d'y mettre fin! A un moment ou à un autre, je vais me ramasser, je le sais, ça arrive à tous les auteurs. Donc j'essaie d'être intelligent et de réfléchir. J'essaie... Et puis c'est très étrange : Sirènes vient de sortir en français, le deuxième vient de sortir en poche en Angleterre, je viens de rendre le troisième.  Du coup, je me retrouve à parler du premier roman en France, du deuxième ailleurs, tout en pensant au troisième; c'est un peu perturbant. Mais c'est formidable, c'est un tel privilège !

En plus, en français, vous bénéficiez d'une excellente traduction.

Oui, je suis très reconnaissant... On voit bien, quand on voyage un peu, que dans certains pays, le roman policier et le roman noir ne bénéficient pas forcément des meilleures traductions... J'apprécie d'autant plus le fait d'être bien traduit. Le fait d'être ici, à Lyon, aux Quais du polar, c'est aussi quelque chose d'incroyable. Il y a tant de livres qui ne bénéficient pas de la reconnaissance qu'ils méritent. 

En France, la littérature noire américaine est aujourd'hui plus populaire que la littérature anglaise, qu'en pensez-vous?
J'imagine que par certains aspects, la littérature anglaise peut paraître un peu bizarre ! Partout, l'influence américaine est majoritaire, et il faut bien dire que c'est la littérature américaine qui a inspiré beaucoup d'auteurs anglais. Nous avons des gens formidables comme Ian Rankin et Philip Kerr, mais aujourd'hui, l'Américain James Ellroy est sans doute l'auteur contemporain le plus reconnu dans le monde. Je pense aussi à Tana French, qui est une romancière phénoménale, vraiment. Je lis beaucoup, j'adore ça... Je lis du polar, de la science fiction, des romans de voyage, des gens comme  Joan Didion, peu importe le "genre" ! C'est une caractéristique que partagent beaucoup d'auteurs de romans noirs, d'ailleurs, y compris quelqu'un comme Lee Child, qui écrit des romans très populaires. Il a une culture incroyable.

Un des aspects qui m'a le plus émue dans Sirènes, c'est l'empathie que vous manifestez envers les filles et les femmes.
Je suis content que vous disiez ça, car certains lecteurs ont trouvé qu'il y avait trop de violence envers les femmes dans Sirènes. En fait, j'y montre le caractère toxique de la masculinité, et bien sûr, ce caractère se manifeste par la violence. Je comprends bien qu'il soit possible de confondre : mais l'auteur du roman n'est pas le héros du livre. Dans le milieu que je décris, ce Manchester de la nuit, il y a deux catégories de violence : celle liée à la drogue, et celle liée au sexe. Et c'est cette dernière violence qui m'a définitivement éloigné du monde de la nuit. Quand je lis ces accusations de complaisance, j'en suis très peiné. Car c'est exactement le contraire que j'ai voulu faire. Pour moi, la seule réaction possible face à cette violence, c'est évidemment l'empathie. Mais quand on est écrivain et même lecteur, on acquiert ce don-là, celui de pouvoir se glisser dans la personnalité de quelqu'un d'autre, dans la vie de quelqu'un d'autre, et de pouvoir ressentir de l'empathie ou de la sympathie. Mais on reste écrivain. Voilà pourquoi, dans mes livres, il n'y a pas les "bons" et les "méchants". Le monde n'est pas divisé en saints et en pécheurs.

Pas de noir et blanc, du gris. Et le gris n'est donc pas ennuyeux ?
Non, le gris est plus complexe. Nous sommes dans un monde où les choses changent très vite, et pourtant, par exemple, les femmes continuent à être moins payées que les hommes. C'est absolument dingue.

En lisant
Sirènes, il m'est arrivé de penser à Robin Cook...
Il fait partie des auteurs que j'admire le plus. Qu'il s'agisse de polar, de roman noir ou d'autre chose, Robin Cook est un maître de la littérature, point. L'autre auteur anglais auquel je pense et qui partage ce statut à mes yeux, c'est David Peace. Je crois que pour écrire les livres qu'il écrit - même chose pour Ellroy d'ailleurs - , il faut beaucoup de souffrance. Comment comprend-on une tragédie si on ne l'a pas vécue? 

Joseph Knox, Sirènes, traduit par Jean Esch, Le Masque

* Le héros de la série signée Lee Child.

2 commentaires:

  1. Pasionnante interview d'un auteur que je ne connaissais pas, je suis passé à côté de son roman, mais grâce à toi je vais vite réparer cet oubli ! vraiment belle interview cet écrivain est un homme passionnant !

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  2. Merci, cher inconnu ! Et très bonne lecture.

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