11 janvier 2012

La vraie vie des gangsters vue par Dashiell Hammett

La nouvelle traduction des romans de Dashiell Hammett proposée par Quarto Gallimard nous donne l'occasion de redécouvrir cet auteur emblématique du polar de gangsters des années 30 à 50. Fini les expressions en argot genre Pigalle qui plaisaient aux lecteurs des années 60 façon film noir avec Gabin. Le texte épuré est enfin nettoyé de ces scories linguistiques qui nous empêchaient de voir le vrai talent de l'auteur basé sur une expérience personnelle notamment comme détective privé à partir de 1915 à l'agence Pinkerton.
Le style est proche de ce que les spécialistes associent au behaviorisme typiquement américain. Sujet, verbe et complément pour décrire une action en cours sans s’appesantir sur la psychologie du personnage. Celle-ci est censée transparaître dans ses actions sans avoir besoin de longues digressions. Le premier roman du recueil paru en 2009 porte bien son nom: Moisson rouge. Moisson pour l'hécatombe des truands qui tombent sous les coups de la faucheuse tout au long du récit et rouge pour la couleur du sang versé qui l'est sans compter. Le récit n'a rien d'extraordinaire: c'est l'histoire d'un privé aux pratiques plus que douteuses qui met de l'ordre dans une ville corrompue jusqu'à la moelle. Mais la façon de nous faire vivre les évènements est originale dans la mesure où Dashiell Hammett raconte les faits de façon linéaire en suivant les pas du détective dans ses moindres déplacements. Ce roman paru en 1928 est alors une révolution dans le monde du polar car cette façon de procéder est alors innovante. Finis les crimes complexes et sophistiqués perpétués dans des manoirs anglais par des héritiers spoliés. Moisson rouge c'est en quelque sorte la vraie vie de l'Amérique des années du temps de la prohibition avec ses gangsters débiles et violents, ses prostituées vulgaires, ses flics corrompus... L'alcool coule à flot malgré les interdictions. Pendant environ 150 pages on a l'impression d'être dans une machine à remonter le temps à l’époque des films avec Humphrey Bogart en vedette, le chapeau vissé sur la tête, un verre de scotch ou une cigarette fumante à la main. Un flingue planqué sous la veste, prêt à toute éventualité. Alors pourquoi se priver d'un tel plaisir avec la lecture de ces textes enfin "remastérisés" comme on dit pour la vidéo, surtout si vous avez rêvé comme moi avec les pinups qui peuplaient ces polars en noir et blanc envoûtants.

A lire également : une chronique de La clé de verre, de Dashiell Hammett

Dashiell Hammett - Romans, nouvelle traduction de Nathalie Beunat et Pierre Bondil (voir son interview) . Gallimard, coll. Quarto-rom

2 commentaires:

  1. Très bon article. Eh oui, le temps passe et l'on découvre que les femmes fatales n'étaient pas présentes dans les livres de Hammett ! Que de certitudes qui s'écroulent ! Un tout petit reproche quand même, vous ne citez pas le nom des deux traducteurs, ce qui se produit hélas trop souvent dans les journaux et sur les blogs. L'histoire de cette traduction est d'ailleurs disponible à la Bibliothèque Nationale où j'ai déposé tous les documents afférents.
    Pierre Bondil

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Désolé de ne pas avoir cité les noms des traducteurs tout de suite, mais l'oubli a été bien sûr immédiatement réparé, et comme vous avez pu le constater, cette nouvelle version a déjà été à la une du Blog, aussi j'encourage les lecteurs à aller relire vos propos passionnants.

      Supprimer

Articles récents