Olivier Martinelli vient de publier à la Manufacture de livres Quelqu'un à tuer (voir chronique ici). Son roman La nuit ne dure pas, publié par 13e note éditions, et qui racontait la vie quotidienne, les espoirs, les colères, les douleurs d'un jeune groupe de rock, les Kid Bombardos, avait marqué les esprits. Un drôle de roman. D'abord parce qu'au premier abord, on avait plutôt l'impression de lire le journal de bord du groupe. Puis on tombait sous le charme d'une écriture faite pour être lue, relue, aimée et interrogée. Une écriture qui évoque avec tendresse et lucidité la vie de ces musiciens, presqu'adolescents encore, pour lesquels l'amour peut être une plaie à vif, pour lesquels la musique n'est pas un hobby, mais la vie même, et aussi l'absolu.
Une légende, paru chez E-fractions, était la biographie fictive d'une star du rock. Même style épuré, émouvant pour ce parcours d'artiste, avec ses petites tricheries, ses coups de chance et ses trahisons. Enfin, L'ombre des années sereines, paru chez Zinc éditions dans la collection "Béton armé", est une nouvelle qui se penche, douloureusement, sur l'histoire familiale de l'auteur, sur celle de l'Algérie et de ceux qui se sont battus pour ne pas la quitter. Là encore, son style sert à merveille un récit très personnel et une réflexion sur la lutte, la résistance, la justice des causes et la violence des hommes.
Il a bien voulu répondre à quelques questions et raconter son parcours d'auteur.
Il a bien voulu répondre à quelques questions et raconter son parcours d'auteur.
Comment êtes-vous venu à l'écriture ?
J'ai très peu lu au collège et au lycée. Et puis une fois en fac de sciences, j'ai commencé à étouffer dans ce milieu où seules les mathématiques comptaient. Mon frère, qui a sept ans de plus que moi, m'a fait lire L'attrape-cœur de Salinger et Rêves de Bunker Hill de John Fante. Non seulement ces auteurs m'ont donné envie de lire, mais ils m'ont donné envie d'écrire. J'ai commencé par des paroles de chansons pour un groupe imaginaire, puis des nouvelles. Le vrai déclic s'est produit au bout de 3 ou 4 ans, suite à un échec en fac. Je suis parti à la Réunion, et une fois arrivé là-bas, j'ai pris la décision d'écrire une heure par jour, quoi qu'il arrive. Ce que j'ai fait, tous les jours sans exception, même pendant que préparais mon CAPES, même les jours d'examen. Ça a donné un roman qui, heureusement, dort aujourd'hui dans un tiroir! Le deuxième n'a pas été édité non plus, le troisième a été publié par un éditeur qui a disparu aujourd'hui. Puis j'ai rencontré les gens d'Antidata, qui publiaient des nouvelles et produisaient, en plus, de beaux objets. Déçu par les refus des éditeurs, j'ai compris qu'il fallait que je trouve un moyen d'entrer en contact avec eux. Et le moyen le plus direct pour quelqu'un comme moi, c'était les concours de nouvelles. Souvent, dans les jurys de ces concours, il y a des éditeurs et des auteurs. René Frégni, un auteur que j'admire beaucoup, faisait partie d'un de ces jurys d'un concours pour lequel j'ai proposé une nouvelle. Il l'a beaucoup soutenue, et j'ai obtenu un prix. Je lui ai donc envoyé un manuscrit de roman : il m'a répondu qu'il l'avait beaucoup aimé, et cela m'a donné le courage de continuer.
Est-ce que vous avez réfléchi en termes de genre ?
En fait j'ai toujours eu un peu de mal avec ces questions-là. A mes tout débuts, j'étais "le prof qui écrit", surtout après un article paru dans le Midi libre. J'ai eu un peu de mal à me dépêtrer de ça. Ensuite, j'ai publié La nuit ne dure pas chez 13e note, et Jean-Noël Levavasseur, qui fait des recueils autour des groupes de rock, l'a beaucoup aimé. Du coup, j'ai publié avec lui dans cinq recueils de nouvelles, puis Une légende chez E-fractions, dont l'histoire tournait encore autour du rock. Du coup, je suis devenu "l'écrivain rock..." Et pour moi, ça ne voulait pas dire grand-chose. Aujourd'hui, avec Quelqu'un à tuer, je suis auteur de roman noir. D'ailleurs il y a eu une histoire un peu drôle avec ce roman : un journaliste, qui avait beaucoup aimé le livre, a écrit dans La gazette de Montpellier, quelque chose du genre "ce roman aurait pu être édité par les meilleurs éditeurs de littérature blanche." Ce qui était un peu vexant pour Pierre Fourniaud, mon éditeur, même s'il l'a pris à la rigolade ! C'est vrai que tout ça est absurde. Si on prend, par exemple, le roman de Anne Bourrel, Gran Madams, et qu'on enlève le début et la fin, ça pourrait un roman de Djian ! Pour l'anecdote, nous avons un peu bataillé sur la couverture : Pierre Fourniaud voulait y inscrire "Roman noir", et je n'étais pas très pour...
Les sujets de vos premiers romans sont très proches de vous. Avec La nuit ne dure pas, vous racontiez le quotidien d'un groupe de rock. Il s'agissait en fait de vos neveux...
Oui, et Une légende est encore plus proche de moi en fait.
Quelle est la part d'histoire personnelle dans Quelqu'un à tuer?
J'ai des origines espagnoles. Ma mère était espagnole de souche, sa famille avait émigré en Algérie et vivait dans un village qui s'appelait Rio Salado, un village ainsi nommé parce qu'il était peuplé uniquement d'Espagnols. Donc je suis sensible à l'histoire espagnole, depuis tout petit. Nous partions en vacances en Espagne tous les ans, même du temps de Franco. Au départ, j'avais trois nouvelles qui parlaient d'Arthur, l'un des héros de Quelqu'un à tuer, et de son départ pour l'Espagne, à la recherche de ses origines. Et puis j'ai lu le livre de Michel del Castillo, Le temps de Franco. Et je me suis dit : "Et si le père que cherche ce garçon était un protagoniste de la guerre d'Espagne?". Et là le roman est né tout de suite. Autre chose me tient à cœur : les histoires qui ne sont pas racontées. Il y a toujours la surface historique, et ce qui s'est passé derrière. Avec le livre de del Castillo, j'ai appris l'existence du massacre de Paracuellos, dont je n'avais jamais entendu parler avant. Je me suis attaché à ne pas juger mes personnages : Ignacio, je ne voulais pas porter de jugement sur lui, je voulais le raconter, simplement.
Quelle était l'idée derrière cette structure en deux parties, avec deux époques?
Dès le début, je voulais cette structure binaire. Je voulais être moins précis en termes de dates. J'aurais voulu ne pas dater chaque chapitre, je voulais que la langue seule suffise à déterminer où et quand on se trouvait. Et puis mes premiers lecteurs m'ont dit qu'il y avait un risque que le lecteur se perde, j'ai donc ajouté des repères chronologiques. Mais je ne suis toujours pas certain d'avoir bien fait, j'ai quelques regrets ! Je me dis qu'il aurait peut-être fallu laisser travailler un peu plus le lecteur. Je voulais qu'on se sente pris par la voix d'Ignacio Obregon, par sa façon de parler, sans négations... Il y a l'énigme du père, bien sûr, mais aussi cette énigme de l'absence de négation, qui se résoud à la fin.
Pouvez-vous parler de ces nouvelles qui ont donné naissance à Quelqu'un à tuer?
La première s'appelait La brasse coulée. Le personnage partait pour le sud du Portugal pour se tuer lui-même... Quelqu'un à tuer justement. J'avais tellement aimé ce personnage que j'ai écrit une sorte de suite, où il rencontre Ignacio Obregon.
Si on dit qu'un des grands sujets du livre, c'est le manque d'amour, est-ce qu'on est loin du cœur du livre?
Oui, bien sûr, mais il y a aussi la quête. Celle du père, celle de l'amour. Et cette volonté de faire jaillir des pans de l'histoire dont on ne parle pas habituellement.
Comment décririez-vous votre style?
Il est sans doute un peu minimaliste, et j'ai sûrement été très influencé par mes lectures, Djian, Fante. Il y a un truc tout bête : dans les concours de nouvelles, on a souvent une longueur imposée. J'ai donc pris l'habitude de nettoyer : cet adjectif, cette proposition, sont-ils vraiment utiles ? Et souvent, on s'aperçoit qu'en fait, non! Je ne suis pas forcément fan des pavés de 1000 pages. Certains éditeurs imposent d'ailleurs un nombre de mots minimum... Avec eux, je n'ai aucune chance!
Quels sont vos projets ?
J'avais écrit un premier polar qui s'appelait D'or est leur silence, paru chez un éditeur régionaliste qui n'a pas fait grand-chose pour qu'il se vende... Je l'ai relu, et j'y ai trouvé beaucoup de choses qui m'ont gêné. Je suis en train de le retravailler, d'épaissir les personnages. Cette fois, c'est un vrai polar qui se passe à Paris, avec des enquêteurs, une intrigue policière. J'avais voulu me frotter à tous les codes du genre.
J'ai aussi achevé quelque chose d'un peu étonnant : une trilogie de heroic fantasy ! Tout a démarré comme un jeu. J'ai commencé à écrire pour mon fils de 11 ans, qui adore ça. Et puis finalement le naturel est revenu au galop et je me suis retrouvé avec une trilogie assez violente... Ce qui m'a décidé à le proposer aux éditeurs, c'est que mon frère, qui est pourtant fan comme moi de Fante, s'est montré très enthousiaste. Et puis cette écriture sous forme de conte, c'est finalement assez agréable. Alors qu'habituellement, dans mes romans, je suis très attaché à la sobriété, à l'épure - pour donner un exemple, si une correctrice me dit qu'à tel endroit, il faut absolument un imparfait du subjonctif, je préfère réécrire tout le paragraphe ! - là, je peux me laisser aller avec une plus grande liberté.J'ai très peu lu au collège et au lycée. Et puis une fois en fac de sciences, j'ai commencé à étouffer dans ce milieu où seules les mathématiques comptaient. Mon frère, qui a sept ans de plus que moi, m'a fait lire L'attrape-cœur de Salinger et Rêves de Bunker Hill de John Fante. Non seulement ces auteurs m'ont donné envie de lire, mais ils m'ont donné envie d'écrire. J'ai commencé par des paroles de chansons pour un groupe imaginaire, puis des nouvelles. Le vrai déclic s'est produit au bout de 3 ou 4 ans, suite à un échec en fac. Je suis parti à la Réunion, et une fois arrivé là-bas, j'ai pris la décision d'écrire une heure par jour, quoi qu'il arrive. Ce que j'ai fait, tous les jours sans exception, même pendant que préparais mon CAPES, même les jours d'examen. Ça a donné un roman qui, heureusement, dort aujourd'hui dans un tiroir! Le deuxième n'a pas été édité non plus, le troisième a été publié par un éditeur qui a disparu aujourd'hui. Puis j'ai rencontré les gens d'Antidata, qui publiaient des nouvelles et produisaient, en plus, de beaux objets. Déçu par les refus des éditeurs, j'ai compris qu'il fallait que je trouve un moyen d'entrer en contact avec eux. Et le moyen le plus direct pour quelqu'un comme moi, c'était les concours de nouvelles. Souvent, dans les jurys de ces concours, il y a des éditeurs et des auteurs. René Frégni, un auteur que j'admire beaucoup, faisait partie d'un de ces jurys d'un concours pour lequel j'ai proposé une nouvelle. Il l'a beaucoup soutenue, et j'ai obtenu un prix. Je lui ai donc envoyé un manuscrit de roman : il m'a répondu qu'il l'avait beaucoup aimé, et cela m'a donné le courage de continuer.
Est-ce que vous avez réfléchi en termes de genre ?
En fait j'ai toujours eu un peu de mal avec ces questions-là. A mes tout débuts, j'étais "le prof qui écrit", surtout après un article paru dans le Midi libre. J'ai eu un peu de mal à me dépêtrer de ça. Ensuite, j'ai publié La nuit ne dure pas chez 13e note, et Jean-Noël Levavasseur, qui fait des recueils autour des groupes de rock, l'a beaucoup aimé. Du coup, j'ai publié avec lui dans cinq recueils de nouvelles, puis Une légende chez E-fractions, dont l'histoire tournait encore autour du rock. Du coup, je suis devenu "l'écrivain rock..." Et pour moi, ça ne voulait pas dire grand-chose. Aujourd'hui, avec Quelqu'un à tuer, je suis auteur de roman noir. D'ailleurs il y a eu une histoire un peu drôle avec ce roman : un journaliste, qui avait beaucoup aimé le livre, a écrit dans La gazette de Montpellier, quelque chose du genre "ce roman aurait pu être édité par les meilleurs éditeurs de littérature blanche." Ce qui était un peu vexant pour Pierre Fourniaud, mon éditeur, même s'il l'a pris à la rigolade ! C'est vrai que tout ça est absurde. Si on prend, par exemple, le roman de Anne Bourrel, Gran Madams, et qu'on enlève le début et la fin, ça pourrait un roman de Djian ! Pour l'anecdote, nous avons un peu bataillé sur la couverture : Pierre Fourniaud voulait y inscrire "Roman noir", et je n'étais pas très pour...
Les sujets de vos premiers romans sont très proches de vous. Avec La nuit ne dure pas, vous racontiez le quotidien d'un groupe de rock. Il s'agissait en fait de vos neveux...
Oui, et Une légende est encore plus proche de moi en fait.
Quelle est la part d'histoire personnelle dans Quelqu'un à tuer?
J'ai des origines espagnoles. Ma mère était espagnole de souche, sa famille avait émigré en Algérie et vivait dans un village qui s'appelait Rio Salado, un village ainsi nommé parce qu'il était peuplé uniquement d'Espagnols. Donc je suis sensible à l'histoire espagnole, depuis tout petit. Nous partions en vacances en Espagne tous les ans, même du temps de Franco. Au départ, j'avais trois nouvelles qui parlaient d'Arthur, l'un des héros de Quelqu'un à tuer, et de son départ pour l'Espagne, à la recherche de ses origines. Et puis j'ai lu le livre de Michel del Castillo, Le temps de Franco. Et je me suis dit : "Et si le père que cherche ce garçon était un protagoniste de la guerre d'Espagne?". Et là le roman est né tout de suite. Autre chose me tient à cœur : les histoires qui ne sont pas racontées. Il y a toujours la surface historique, et ce qui s'est passé derrière. Avec le livre de del Castillo, j'ai appris l'existence du massacre de Paracuellos, dont je n'avais jamais entendu parler avant. Je me suis attaché à ne pas juger mes personnages : Ignacio, je ne voulais pas porter de jugement sur lui, je voulais le raconter, simplement.
Quelle était l'idée derrière cette structure en deux parties, avec deux époques?
Dès le début, je voulais cette structure binaire. Je voulais être moins précis en termes de dates. J'aurais voulu ne pas dater chaque chapitre, je voulais que la langue seule suffise à déterminer où et quand on se trouvait. Et puis mes premiers lecteurs m'ont dit qu'il y avait un risque que le lecteur se perde, j'ai donc ajouté des repères chronologiques. Mais je ne suis toujours pas certain d'avoir bien fait, j'ai quelques regrets ! Je me dis qu'il aurait peut-être fallu laisser travailler un peu plus le lecteur. Je voulais qu'on se sente pris par la voix d'Ignacio Obregon, par sa façon de parler, sans négations... Il y a l'énigme du père, bien sûr, mais aussi cette énigme de l'absence de négation, qui se résoud à la fin.
Pouvez-vous parler de ces nouvelles qui ont donné naissance à Quelqu'un à tuer?
La première s'appelait La brasse coulée. Le personnage partait pour le sud du Portugal pour se tuer lui-même... Quelqu'un à tuer justement. J'avais tellement aimé ce personnage que j'ai écrit une sorte de suite, où il rencontre Ignacio Obregon.
Si on dit qu'un des grands sujets du livre, c'est le manque d'amour, est-ce qu'on est loin du cœur du livre?
Oui, bien sûr, mais il y a aussi la quête. Celle du père, celle de l'amour. Et cette volonté de faire jaillir des pans de l'histoire dont on ne parle pas habituellement.
Comment décririez-vous votre style?
Il est sans doute un peu minimaliste, et j'ai sûrement été très influencé par mes lectures, Djian, Fante. Il y a un truc tout bête : dans les concours de nouvelles, on a souvent une longueur imposée. J'ai donc pris l'habitude de nettoyer : cet adjectif, cette proposition, sont-ils vraiment utiles ? Et souvent, on s'aperçoit qu'en fait, non! Je ne suis pas forcément fan des pavés de 1000 pages. Certains éditeurs imposent d'ailleurs un nombre de mots minimum... Avec eux, je n'ai aucune chance!
Quels sont vos projets ?
J'avais écrit un premier polar qui s'appelait D'or est leur silence, paru chez un éditeur régionaliste qui n'a pas fait grand-chose pour qu'il se vende... Je l'ai relu, et j'y ai trouvé beaucoup de choses qui m'ont gêné. Je suis en train de le retravailler, d'épaissir les personnages. Cette fois, c'est un vrai polar qui se passe à Paris, avec des enquêteurs, une intrigue policière. J'avais voulu me frotter à tous les codes du genre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire