Déjà trois semaines que le 21e Festival International du Goéland Masqué de Penmarc'h a baissé le rideau. Cette année encore, toute l'équipe s'est attachée à offrir un plateau aussi prestigieux que divers : une soixantaine d'autrices et auteurs étaient au rendez-vous, et de nombreux éditeurs avaient également fait le déplacement.
Une fréquentation stable malgré un temps estival, des auteurs et des éditeurs satisfaits, des libraires contents, des animations et des lectures qui ont fait le plein auprès d'un public toujours avide de découvertes, une équipe de bénévoles épuisés mais heureux. Que demander de plus !
Pour remédier au célèbre "blues" post-festival, voici l'album souvenir de cette édition 2023, jour après jour, en images et en mots attrapés au vol...
Dans quelques jours, vous pourrez retrouver les vidéos des tables rondes sur le site du Goéland Masqué. Un grand merci aux vidéastes et photographes qui ont œuvré pendant le festival.
Vendredi 26 mai
Le vendredi soir, les auteurs arrivent à Penmarc'h. Pour les accueillir comme il se doit, un dîner de bienvenue était organisé au pied du phare d'Eckmühl. Cette année, la soirée s'est déroulée au son des binious et de la musique traditionnelle, histoire qu'on sache tout de suite où on était !
Samedi 27 mai
Tous les festivals commencent par une inauguration. A 11h00, la présidente de l'association, Marie-Françoise Plouzennec, accompagnée par la maire de Penmarc'h Gwenola Le Troadec et par l'adjoint à la culture Gilles Bernard, a rappelé l'engagement du Goéland Masqué, sa vocation d'encouragement à la lecture et à la découverte de littératures différentes, et remercié les partenaires de l'association sans lesquels rien ne serait possible.
L'intelligence artificielle, pour le meilleur ou pour le pire ?
Audrey Gloaguen et Christopher Bouix, table ronde animée par Catherine Marin |
Inventer des mondes pour comprendre le nôtre
Jérôme Leroy et Lionel Destremau, table ronde animée par Catherine Dô-Duc |
Jérôme Leroy : Je n'ai pas voulu écrire un roman à clés, putôt mettre en scène des archétypes politiques de grands fauves. J'ai pris beaucoup de plaisir à cette recomposition de la France, avec des personnages alternatifs et dans une atmosphère crépusculaire. A force d'écrire des horreurs, elles finissent par arriver. J'ai utilisé les codes d'un petit jeune nommé Balzac, je pense d'ailleurs qu'il est un des pionniers du roman noir. J'aime reprendre un de mes personnages d'un autre roman pour un faire un personnage secondaire dans un autre texte.
Lionel Destremau : Il ne s'agissait pas tant d'inventer un monde que de le noyer sous deux formules, être à la fois dedans et dehors. Au final, la question n'est pas de savoir où et quand se déroule l'action, mais où et quand elle pourrait se dérouler. C'est à la fois très simple et effroyable.
Suspense et lyrisme, du Montana aux îles Féroé
Kim Zupan avec son interprète Lucie Marchand et Patrice Gain, table ronde animée par Martine Laval |
Après le communisme et la guerre, destin d'un pays méditerranéen
Jurica Pavičić, entretien avec Catherine Dô-Duc |
Des polars pour les ados
Marin Ledun, Laurence Biberfeld, Nicolas Jaillet et Clémentine Thiébaut, table ronde animée par Fabienne Regnaut |
Remise des prix du Premier roman et du Prix Mor Vran de la BD
Dimanche 28 mai 2023
Des voix féminines dans le roman noir
Sylvia Cagninacci, Elisa Vix et Chantal Pelletier, table ronde animée par Catherine Marin |
Sylvia Cagninacci : Mon roman est une tragédie familiale. Et même si le narrateur est le petit garçon victime d'un accident, c'est princpalement un roman de femme, l'expression d'une parole de femme. Car quand il est question de famille, ce sont souvent les femmes qui parlent...
Elisa Vix : J'aime le rapport homme/femme et les secrets que les femmes se transmettent de génération en génération.
Chantal Pelletier : Mon livre raconte l'histoire d'un face à face entre une "petite" femme et un personnage démesuré, Orson Welles. Elle se révèle finalement plus solide que lui, car cet ogre est en fin de vie, sans projets. Pour moi, l'important c'est la relation homme / femme et son évolution. N'oublions pas que les premières femmes à entrer dans la Série noire dans les années 90 étaient Dominique Manotti et Fred Vargas. Des prénoms neutres...
Les secrets de l'histoire
Romain Slocombe et Benoît Séverac, table ronde animée par Gilbert Kerleau |
Romain Slocombe : Mon personnage, Sadorski, le salaud, le traître, est l'anti-Maigret... Je me suis particulièrement intéressé à la géographie parisienne de l'Occupation.
Benoît Séverac : Les deux guerres mondiales ont constitué des points de bascule. L'histoire s'est invitée dans ma vie avec ce tableau, qui était dans la famille depuis 1945. Personne n'en connaissait l'histoire...
Journalisme et roman noir
Miguel Szymanski, Jean-Pierre Perrin et Olivier Truc - interprète Cynthia Honoré, table ronde animée par Martine Laval |
Miguel Szymanski : Aujourd'hui, je ne travaille plus que sur des questions internationales... parce que je veux rester au Portugal. Mon personnage principal n'est donc pas exactement mon double, car il travaille en marge, il peut se permettre des choses que je ne pourrais pas faire. Un de mes buts est d'idéaliser comment le journalisme pourrait fonctionner.
Jean-Pierre Perrin : J'ai surtout travaillé au Proche et au Moyen-Orient, que ce soit pour Libération ou pour l'AFTP. J'ai eu la chance de jouir d'une très grande liberté, je n'ai jamais connu la censure. Dans mon dernier livre, je voulais un personnage de bourgeoise heureuse, à qui je pourrais faire vivre mes aventures. Finalement, elle les traversera mieux que moi.
Olivier Truc : J'ai commencé ma carrière de journaliste dans la presse locale, dans le sud. Puis je suis parti pour la Suède. Pour une Suédoise. J'y suis devenu correspondant du Monde pour les pays nordiques et baltes, souvent ignorés par les médias. C'est sans doute pour cela que j'ai profité d'une grande liberté et que j'ai pu faire beaucoup de reportages, que j'ai parfois transformés en romans. Le modèle nordique, qui a fait tant rêver, est un formidable réservoir à histoires. J'ai été invité à Karachi en 2016 pour un festival de littérature, puis pour une résidence d'un mois. C'est là que des Pakistanais m'ont reparlé de l'attentat de Karachi : ça a été un déclic, je me suis plongé dans cette histoire.
Mystères très noirs et tragédies baroques
Fabrice Jambois et Jean-Christophe Tixier, table ronde animée par Alain Ouannès |
Fabrice Jambois : Mon livre se place aux frontières du réel, avec deux faisceaux d'enquête dans un contexte contemporain. Le Paris "magnétique" est une tradition très ancienne et très vivace. Quant à la dimension baroque, je la retrouve dans cette pratique qui consiste à faire des plis dans le réel, puis à le déplier. On parvient ainsi à une coexistence entre perception consciente et remontée par capillarité d'éléments inconscients. La baroque serait la plongée dans l'obscurité...
Jean-Christophe Tixier : L'idée de la ligne oblige les protagonistes se positionner et entraîne une bascule dans l'intrigue. Là, il s'agit d'une fracture en espace clos et rural, dans un village, d'une ligne de clivage. Dans une société clivée, le rejet est roi, il n'y a plus d'argumentation. La ligne symbolise cette vision binaire des choses, qu'on retrouve bien sûr sur les réseaux sociaux...
Le roman noir des années noires en Italie
Valerio Varesi et Michèle Pedinielli, table ronde animée par Catherine Dô-Duc |
Valerio Varesi : Comme toute personne qui écrit du "noir", je suis heureux d'être comparé à Simenon. Mais mon personnage appartient à Parme et à l'Emilie-Romagne. Comme vous savez, l'Italie est une réunion de lieux qui ont chacun leur particularité.
Michème Pedinielli : Ghiu est ancrée dans Nice, dont je parle pour en montrer des facettes différentes. Les Niçois n'ont pas tous des yachts, ils n'habitent pas tous au Negresco. J'aime beaucoup cette ville, malgré la pourriture...
Du podcast à la série, le roman est noir est partout !
Jakub Zulczyk et Matt Wesolowski (interprètes : Anna Radecka et Cynthia Honoré), table ronde animée par Catherine Dô-Duc |
Matt Wesolowski : Les podcasts sont une nouvelle façon de raconter des histoires. Le fait divers est un nouveau genre littéraire. Dans ce type de podcasts, on peut écouter tous les protagonistes et choisir qui l'on croit. C'est cela qui m'a fasciné. J'ai écrit le premier livre juste après avoir écouté un des premiers podcasts américains, où il était question de la disparition d'une jeune fille. Je l'ai écrit très vite, puis je l'ai mis dans un tiroir en me disant : "Mais qui veut lire une chose pareille?" Et puis un éditeur s'y est intéressé, car j'étais le premier !
Jakub Zulczyk : J'écris des romans noirs et violents mais aussi réalistes, avec un soupçon d'espoir. Le cinéma aime le noir et le réalisme, dont ce type d'histoire trouve sa voie de façon presque naturelle vers le cinéma et la série. Pour moi, le genre noir correspond au réalisme (...) Le style vient de l'histoire et non l'inverse, c'est comme une forme organique. Dans mon premier livre, le héros a 6 jours pour résoudre son problème, le livre est sous le signe de la cocaïne, qui est la drogue de la vitesse. Le livre devait donc avoir un style très rapide. Le deuxième roman, lui, traite de l'addiction. Toute addiction commence par une souffrance, c'est une réponse à la douleur...
Médiator, un crime chimiquement pur
Salle comble à la Maison pour tous de Penmarc'h pour la rencontre avec Irène Frachon et le dessinateur François Duprat, auteurs de la BD Mediator (Delcourt), animée par Bruno Salaün.
Irène Frachon : Ce qui a été commis dans cette affaire aurait parfaitement sa place dans un polar : tout relève de turpitudes, d'escrocs et de criminels en col blanc.
Rock et roman noir, une histoire d'amour ?
Frank Darcel et Pierre Mikaïloff - Table ronde animée par Catherine Dô-Duc |
Des goûts et des couleurs, l'évolution du lectorat du roman noir
Sébastien Wespiser (Agullo), Pierre Fourniaud (La Manufacture de livres), Arnaud Frossard (La Grange Batelière) - table ronde animée par Gilbert Kerleau |
Pierre Fourniaud : Je ne fais pas de livres en fonction du goût du lectorat. En tant qu'éditeur indépendant, cela permet une grande diversité.
Sébastien Wespiser : Pas mieux... Chez Agullo, nous avons un goût prononcé pour les littératures d'Europe de l'est, donc la question ne se pose pas en ces termes.
Arnaud Frossart : La Grange Batelière est née d'une ancienne imprimerie d'édition située dans la rue du même nom. Je travaillais à la fabrication, j'y ai donc rencontré beaucoup d'auteurs. Quand il a fallu envisager de ranger les machines, nous avons pris la décision de faire quelques publications. En 2020, nous avons conclu un contrat de diffusion/distribution, aujourd'hui nous publions 6 ou 7 livres par an. Des rééditions, comme celles des romans de Régis Messac, mais aussi des nouveautés comme Belles rencontres, que nous présentons ici avec les photographes Xavier Hacquard et Vincent Loison.
Pierre Fourniaud : Quitte à ne pas en vendre beaucoup, autant qu'ils soient beaux ! L'éditeur doit à l'auteur de mettre en forme le texte, de le corriger, et de créer de belles couvertures.
Lundi 29 mai 2023
La mer, théâtre du roman noir
Christophe Agnus et Roxanne Bouchard - table ronde animée par Alain Ouannès |
Roxanne Bouchard : Au départ, je n'avais pas vraiment prévu de faire une série, et finalement j'en suis à la troisième enquête de Joaquim Moralès. Le Saint-Laurent, pour nous, c'est comme une mer... Une année, suite à une rupture, je me suis retrouvée à faire le tour de la Gaspésie. Sur les quais, on rencontre les pêcheurs et on écoute des histoires de pêche. Elles servent de trame à mes romans.
Christophe Agnus : Ma grand-mère était institutrice, et chez elle mon lit était entouré de livres. A partir de 7-8 ans, j'ai lu tout Jules Verne, Michel Strogoff, le Nautilus... Voilà mes sources d'inspiration. Les droits du roman ont été optionnés par le producteur de la première saison de La Casa de Papel, mais rien n'est encore fait. Ils cherchent un "showrunner"; je suis consultant sur le projet, ce qui signifie que je suis payé pour me taire !
Ecrire en breton ?
Yann-Fanch Jacq, Laurence Lavrand, Jerom Olivry et Louis Grall |
Le noir, critique de la réalité sociale
Yvon Coquil - entretien avec Brigitte Stephan |
L'expo
Xavier Hacquard et Vincent Loison (alias les Pictos), photographes, avec leur éditeur Arnaud Frossard (La Grange Batelière) nous ont offert tout au long festival une belle exposition de portraits d'auteurs de romans noirs dans la petite salle de Cap Caval. Ils présentaient également leur livre Belles rencontres.
Les animations
Les soirées
Dimanche soir, c'est chez Marie-Cath, à Pors Scarn, que le Goéland Masqué a décidé d'atterrir. Une soirée où auteurs, public, éditeurs et organisateurs se sont joyeusement mélangés en toute spontanéité, au son d'un concert offert par le très énergique et très doué duo Wild Way.
Les lectures
C'est à la Compagnie bretonne que Xavier Bazin a lu "Le Chat noir" d'Edgar Allan Poe |
Au restaurant La Glacière, une lecture de Léo Malet ("La vie est dégueulasse") par Pierre Hancisse |
Georges Simenon et "Les Demoiselles de Concarneau" à l'honneur au bar Chez Cathy grâce à Simon Bakhouche |
Cette année, les lectures qui rendaient hommage à des pionniers du roman noir et du polar (Edgar Allan Poe, Dashiell Hammett, Liam O'Flaherty, Léo Malet, Georges Simenon et William Wilkie Collins) ont attiré un public particulièrement nombreux et attentif. Encourageant pour l'avenir de la littérature noire !
Un festival sous le signe des "Belles rencontres", une fête du livre vibrante et riche en surprises, un événement réconfortant en ces temps difficiles : il ne reste plus qu'à préparer la prochaine édition!
Une partie de l'équipe des bénévoles |
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